Jusqu’au fin des années 1990, le quartier d’El Bhaier fut le coeur battant de la Cité des Potiers pour ne pas dire le fief d’une activité commerciale florissante.
Entre l’épicerie « El Jerbi » (là où on y trouvait le lait de l’ogresse) le Hammam (le Bain maure) de la famille « Ezzine », la boutique de poterie de Khemaies Ameur, le coiffeur Mohamed Benna, le Restaurent Moderne connu sous le nom de « Tbarnet Néji » (la Taverne de Néji), la quincaillerie Dridi, la pharmacie Baccar, le marchand des fruits Jartouh, dit « El Asfour », la boutique des chaussures « Bata », etc…, la vie dans ce mythique quartier fut à la fois simple et riche en valeurs humaines.
Mais qui dit le quartier d’El Bhaier, dit également la charrette de Mohamed Ben Arbia, alias « Hammad », et Faouzi « Sahren » (« سهران », en dialecte tunisien, qui signifie: le veilleur de nuit ) — une sorte de brouette (« برويطة », en dialecte tunisien) à mi-chemin entre les « Push carts » (chariots à pousser) et les voitures en bois tirées par des chevaux — vendant des fruits secs salés (amandes, pistaches, glibettes (« قلوب », en dialecte tunisien), noisettes, noix, cacahuètes, graines de lin, graines de courges, etc.), fèves et pois-chiches fraichement torréfiés, des friandises et des confiseries, « tombac » (un tabac faible en goudron et nicotine et riche en sucre), des boites d’allumettes, briquets, tabac, « neffa » (tabac à priser), chewing-gum, biscuits, « Kaki » (gressins), chocolat, etc…
Si la charrette de « Lotfi » (de son vrai nom Salah Ben Arbia: le frère cadet de Mohamed) stationnait de 11h du matin jusqu’à 18h00 devant le cabinet du docteur Rachid Mbarek, devant le « Place Bounen », sis à l’avenue Habib Thameur et du soir jusqu’à l’aube à proximité de café maure « El Aliya » — rebaptisé « La Rachidia » de nos jours –, et faisait le bonheur des fêtards et des noctambules (depuis les années 1960 jusqu’au début des années 2000), celle de « Hammad » et Faouzi « Sahren » trônait depuis les années 1950 devant le mur du Hammam « El Bhaier » (le bain maure de la famille Ezzine).
Né en 1922, Mohamed Ben Arbia, alias « Hammad », a fait son baptême du feu depuis son jeune âge, « vers la deuxième moitié des années 1930, comme vendeur ambulant de fèves grillées — préparées par sa mère — et de « mechmoums » (petits bouquets) de jasmins. », souligne son fils Saber Ben Arbia, cordonnier-serrurier.
Il a fallu attendre les années 1940 pour que le jeune « Hammad » fabrique une charrette en bois et entame la légende des « Sahren ».
Dans les années 1960 jusqu’à 2010, son fils aîné Faouzi a pris le relais pour transformer la charrette de fortune et couverte d’une bâche en une véritable caverne d’Ali Baba et le lieu de réunion de la jeunesse citadine: Moncef Gastli, Hammadi Hali, et plein d’autres enfants du bled prenaient de ce coin leur Forum pour ne pas dire le « Cercle des Nabeuliens ».
De cette charrette inamovible, il ne reste plus que de beaux souvenirs d’une époque révolue et d’une enfance où de simples petits plaisirs ou un cornet de graines de tournesol faisait le bonheur de tout le monde.
Aujourd’hui, Faouzi « Sahren » coule une retraite paisible en tant que fleuriste (en face le centre commercial « Nabeul Centre » et devant l’hôpital Mohamed Tlatli-Ndlr) et continue d’offrir de la joie et de l’allégresse aux Nabeuliens en aidant sa fille Hana dans la confection de jolis bouquets de roses et des coffrets de cadeaux personnalisés.
Comme quoi, avec les « Sahren », l’art de vivre est encodé dans leurs gènes… Longue vie à Am Faouzi !
Bravo et merci pour cet intéressant article
tres beaux souvenirs nostalgique !