Photo : « La Petite Frégate » / © La Tunisie de Michelle
Dans les années 1950, juste à côté du mythique restaurant « Chez Khemaïes »-La Rotonde de Nabeul-Plage, il y avait jadis un petit restaurant-bar & café baptisé « La Petite Frégate ».
Ce petit établissement — tenu par feu Ernest-Nessim Haddad — accueillait la communauté judéo-nabeulienne, notamment lors des festivités accompagnant le pèlerinage de Rebbi Yakoub Slama (les clientes attablées dans la photo à la Une sont des Tunisoises venues essentiellement pour participer au pèlerinage-Ndlr).
Ainsi, on servait dans la « La Petite Frégate » le fameux « Complet poisson » (un poisson [1] frit ou parfois grillé — poisson entier avec la tête et la queue –, des frites, un œuf au plat, un piment rouge ou vert frit, un légume au choix frit, et généralement de la « tastira » [2]), le casse-croûte tunisien, des fritures, des grillades, des bricks à l’oeuf, le plat tunisien (harissa, thon, huile d’olive, slata méchouia, citron confit, variantes, olives en saumure, salade tunisienne, oeuf à la coque, etc.), selon la nièce d’Ernest, Désirée Haddad-Belaïche.
On vous propose ci-dessous une prose rédigée par la petite-fille d’Ernest, Michelle Karoubi :
La Petite Frégate de Nabeul-Plage
— Par Michelle Karoubi
La Petite Frégate…
Aussi loin que je cherche, je ne les vois pas ces images.
Et pourtant « La Petite Frégate » fut, ce n’est pas un mirage.
La photo est là… parvenue jusqu’à moi…je ne l’attendais pas.
Je la regarde, j’explore les petits détails, où sont-ils mes pas… ?
Derrière le comptoir? Tenant la main de mon pépé, dans la cuisine…?
J’ai beau faire des efforts, aucun visage… aucune voix… au café.
Juste des souvenirs, d’une ambiance, d’une époque, rapportés ceux-là.
Et les miens alors… ?
Emportés…! Plus rien.
Ils se sont noyés et « La Petite Frégate » aussi, quelque part là-bas…
La photo n’a pas suffi à sortir du naufrage de ma mémoire.
Peut-être que les coquillages, eux, se souviennent…
[1] On sert le complet poisson avec du mulet (milla ou bouri en Tunisie), du rouget (trilia), du bar (karous), de la daurade (warka ou ouarata) ou encore de la sole (madas) ou du thon et le must étant le thon gras. Cela va sans dire que quand il s’agit du thon, ce sera un filet de thon et non un thon entier dans une seule assiette.
[2] La « tastira » (arabe : تسطيرة) est un mélange de piments verts et de tomates frits ; la mixture est ensuite salée et parfois agrémentée d’huile d’olive, de citron, de « tabel » (coriandre séchée et moulue), de poivre noir, d’olives vertes et de persil. On lui ajoute parfois de l’œuf brouillé et le tout est traditionnellement émincé à l’aide de deux couteaux bien aiguisés après la friture.Post-scriptum : « La Petite Frégate » est un petit restaurant-bar & café au bord de la mer à Nabeul-Plage tenu par mon grand-père maternel, Ernest-Nessim Haddad (l’homme debout derrière la jeune fille au sourire radieux).