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Dans le temps, la rue Jemaa Zitouna (ex-Rue de l’Eglise), dans la médina de Tunis, abritait une pâtisserie pas comme les autres.
Il s’agit de la confiserie E.V. Tourassi, dont on dit que la famille du propriétaire avait des origines siciliennes.
La Maison Tourassi s’était spécialisée dans la confiserie et vendait du « rahat loukoum », notre « halqoum » (loukoum, en français) préparé de diverses manières, ainsi que les nougats, les fondants, les dattes farcies au chocolat, les dragées, etc.
D’ailleurs le savoir-faire de la Maison Tourassi lui a permis de rafler plusieurs médailles à l’échelle nationale et internationale au début du XXe siècle: une Médaille d’Argent à Bruxelles en 1910; une Médaille d’Or à l’Exposition d’Hygiène de Tunis en 1911; une Médaille d’Argent à l’Exposition Coloniale de Marseille en 1922; une Médaille d’Argent à l’Exposition de Gabès en 1922 et une Médaille d’Or au Salon National de Gastronomie de Paris en 1924.
La spécialité incontournable de Tourassi prenait la forme de fruits divers. Ces confiseries en pâte d’amande représentaient aussi bien des petites tomates que des pêches, des morceaux de pastèques, des figues de barbarie, des citrons, des mandarines ou des abricots.
Ornant la vitrine, ils avaient le don d’attirer les chalands et dès qu’on y goûtait, c’était un délice pour les papilles.
Tourassi a fermé boutique au début des années 1980 et tout le monde a oublié ces confiseries dont seule « Baklawet el bey » (la baklava du Bey) rappelle le goût.
Ce type de « baklawa » à la pâte d’amande – on dira aussi au « marzapane » (massepain, en français) – est ainsi nommée car elle reprenait le vert et le rouge qui sont les couleurs beylicales.
Cette confiserie est en fait une autre adaptation locale de ce que Tourassi avait lui-même adapté.
En effet, tous ces délices sont inspirés par la « frutta Marturana », dite aussi « frutta di Martorana », une confiserie typiquement sicilienne qui se vendait dans toutes les pâtisseries de Tunis, La Goulette ou Sousse.
Cette « frutta Marturana » se préparait à la maison ou chez les pâtissiers et ne souffrait aucun colorant.
Tout y est naturel et les gourmands s’en régalaient jusqu’au départ des Siciliens de Tunisie.
Ces derniers jours, des amis venant de Palerme ont ramené dans leurs bagages quelques fruits à la pâte d’amande. Il y en avait de toutes les couleurs: nèfle, mandarine, mais, potiron et pastèque.
L’imagination des pâtissiers n’ayant pas de bornes, ils sont capables de toutes les inventions et ne s’en privent pas.
Goûter à ces confiseries a vite fait de me renvoyer aux paradis perdus. Saveurs délicates et madeleines de Proust surgirent au dessert pour un véritable carrousel évocateur des « carretteli » qui sillonnaient la médina.
Ces charrettes étaient couvertes de marchandises diverses et parfois de ces fruits multicolores.
Aujourd’hui en Sicile, on les trouve au seuil des boutiques, lourds de promesses et regorgeant de ces « frutta Marturana » au goût si délicat.
Dommage, en Tunisie, nous avons abandonné ces confiseries mais il suffirait d’un pâtissier audacieux pour que renaisse cette douceur de notre interculturalité.
Succulent, et l’article et les pâtisseries, merci encore !
Je m’en souviens parfaitement. C’était une véritable curiosité pour moi avec, non loin, l’échoppe de Nari qui vendait les souvenirs indiens.