Une nostalgie très personnelle: Chetcuti, bûches de Noël et photos-miracle

Crédit photo: © AFP


C’était ainsi et pas autrement: tous les anniversaires de mon enfance se confondent avec les bûches de Noël.

La raison en est toute simple. Né un 20 décembre, à Tunis, je ne pouvais échapper à ces bûches qui foisonnent en cette période de l’année et qui, de surcroît, s’affichaient aux prix les plus avantageux.

Dès lors, mes parents avaient fait ce choix qui ne bougera plus et dont le souvenir continue à me hanter.

« Hanter » n’est pas le mot ! Il faudrait plutôt écrire m’habiter, me faire rêver et même à convoquer de douces nostalgies.

La bûche de Noël, c’est un peu ma très proustienne madeleine. Rien que d’en voir quelques unes dans une vitrine et me voici transporté dans les méandres du souvenir, au chapitre douceurs et célébrations.

Nos bûches, nous les achetions chez Chetcuti à la rue du Soudan. Maltais de Tunis, ce boulanger-pâtissier n’avait pas son pareil. Son pain était réputé et ses mille feuilles avaient un goût incomparable.

 

bûches de Noël
Des pâtissiers préparent des bûches de Noël en décembre 1938. (Crédit photo: © AFP)

 

En étant devant le comptoir de Chetcuti, on pouvait apercevoir l’atelier juste derrière. Et en voyant ces photographies dénichées par l’ami Abdel Aziz HALI, je me suis immédiatement retrouvé, enfant, rêvant d’apprendre comment on fabriquait une bûche et épiant les fourneaux de Chetcuti.

Des pâtissiers avec leurs toques immaculées qui s’affairaient dans une semi-pénombre, des empilements de plateaux sombres, regorgeant de friandises et aussi une dextérité concentrée sur chaque geste.

Pour tout vous avouer, le mystère pour moi résidait dans la manière dont on écrivait en lettres de sucre, mon nom sur la bûche. Il devait y avoir un secret, un rituel quelconque, une petite touche de magie.

Disons-le tout de go: même si ce n’était qu’une pâtisserie, il n’était pas anodin d’avoir son prénom serpentant sur son sommet crémeux, au milieu des meilleurs voeux d’anniversaire.

 

bûches de Noël
Un pâtissier en train de décorer des bûches de Noël en décembre 1938. (Crédit photo: © AFP)

 

Ces photos en noir et blanc me renvoient ainsi à cette candeur, à ce temps de l’innocence où tout était apprentissage et portait les saveurs de surprises virginales.

Comme une petite souris entre les sacs de farine, je peux visualiser grâce à ces photos ce qui se passait dans l’atelier de Chetcuti. Peu importe d’ailleurs que ces photos aient été prises ailleurs car c’est bien là-bas, entre souvenir et ingénuité, qu’elles m’emportent.

Quant aux bûches, je ne les ai trouvées savoureuses que pour un temps. La routine guette toujours et y échapper me semblait être un devoir.

Il n’en reste pas moins que, de nos jours encore et probablement jusqu’au bout du chemin, la vue d’une bûche ravive ces souvenirs précis.

 

bûches de Noël
Une photo d’archives montrant des pâtissiers durant la période des fêtes de fin d’année, en 1938, en train de préparer des bûches de Noël. (Crédit photo: © AFP)

 

Assis, autour de la table familiale, entouré de joie, je souffle sur une poignée de bougies, me délecte des textures crémeuses, observe les tranches débitées de la bûche si onctueuse.

Même s’il faudrait aujourd’hui caser soixante et une bougies sur ce gâteau, évocateur à la fois de crépitements et de nativité, mon coeur en chavire encore et toujours.

Et pour tout vous dire, ces bûches là, au goût de sucre et de nostalgie, j’en mangerai bien un sapin entier !


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