Crédit photo: © Fabrice Veigas / Stylisme : Pauline Dubois
Je comprends parfaitement les revendications corporatistes et la défense acharnée des professionnels de métiers de bouche en Tunisie — Belaid Wafik (voir ci-dessous son interview avec nos confrères de « Torchi »), Taïeb Bouhadra et Mounir Arem — pour permettre aux « chefs de cuisine » tunisiens d’avoir une carte professionnelle afin de mieux organiser les secteur et barrer la route aux charlatans des fourneaux.
Comme requête : c’est légitime.
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Néanmoins, je pense que le développement de la gastronomie tunisienne devrait s’inscrire dans une démarche plus inclusive.
En effet, ce n’est pas une carte professionnelle qui va faire changer la donne de l’art culinaire tunisien et lui donner plus de visibilité et de rayonnement à l’échelle internationale.
Primo, loin de toute démarche folklorique, le développement de la gastronomie tunisienne doit s’opérer sous le chapiteau d’une Fédération tunisienne des professionnels des arts et de la communication culinaires (FTPACC) avec la bénédiction et le soutien des ministères du Tourisme, de la Culture et de l’Agriculture.
Secundo, outre les chefs (cuisiniers et pâtissiers), la gastronomie se développe aussi grâce à des restaurateurs, des hôteliers, des producteurs (agriculteurs, pêcheurs, aquaculteurs, aviculteurs, apiculteurs, ostréiculteurs, viticulteurs, etc.), des gargotiers, des maîtres chocolatiers, des artisans de produits du terroir, des sommeliers, des cavistes, des critiques gastronomiques, des journalistes culinaires, des blogueurs, des foodies, des photographes et cadreurs culinaires, des inspecteurs dégustateurs, des Maisons d’édition (livres culinaires), des historiens, etc.
Qui dit métiers de bouche, dit un large éventail d’intervenants de professionnels pour la mise en valeur du patrimoine culinaire tunisien avec un regard bien attentionné sur les produits du terroir et une ouverture sur les cuisines du monde et la gastronomie (cuisine et pâtisserie) moderne (moléculaire, expérimentale, bistronomique, gastronomique, etc…), mais aussi beaucoup de formation et de rigueur.
Tertio, sans l’apport de critiques gastronomiques et de journalistes culinaires à travers une presse spécialisée, on ne peut espérer un essor de la gastronomie tunisienne.
La communication gastronomique est un art. Les médias d’information générale et les journalistes non-spécialisés n’ont pas les outils adéquats et suffisamment de qualification pour mettre en valeur un vaste secteur et ses multiples contradictions.
Certes, les médias mainstream ont les moyens pour une large diffusion, mais la presse spécialisée demeure la mieux outillée par valoriser les arts culinaires. En France par exemple, M6 (Top Chef, Le Meilleur Pâtissier, Tous en cuisine, Objectif Top Chef, La meilleure boulangerie de France, Mon gâteau est le meilleur de France, Le Meilleur Pâtissier, les Professionnels, etc.) ainsi qu’Europe 1 (François-Régis Gaudry) ou RTL ( Jean-Sébastien Petitdemange) font appel à des professionnels du journalisme culinaire ou à des partenariats voire même à des collaborations avec des médias culinaires, dits « médias de niche » (CuisineAZ, Atabula, Food & Sens, Le Blog de Gilles Pudlowski, etc) pour offrir à leur audimat (téléspectateurs/auditeurs) un contenu audiovisuel avec une forte valeur ajoutée.
Enfin, sans politique ou approche inclusive, la gastronomie tunisienne ne pourra que pédaler dans la semoule.
Ce que je crois…