Dans une salade ou des toasts apéritifs ou sur une pizza, les tomates séchées, gorgées de soleil, enchantent nos papilles avec des saveurs typiquement méditerranéennes. De plus en plus prisées par les professionnels des métiers de bouche et les Maîtres-artisans de la bonne chère, cinq chefs de cuisine tunisiens de renommée internationale — Khelil Ben Ammar (Montréal, Canada), Nordine Labiadh (Paris, France), Khoubeib Dhouibi (Vienne, Autriche), Youssef Gastli (Paris, France) et Mahjoub Aouidet, alias « Evan Carlo » (Dammam, Arabie saoudite) — nous livrent leurs astuces pour valoriser ce condiment au goût unique.
La tomate séchée, voilà un produit qui inspire plusieurs ménagères et chefs cuisiniers. Très prisé dans le patrimoine culinaire tunisien, notamment dans les régions du Cap Bon et du Sahel, ce fruit déshydraté par le soleil est généralement utilisé durant la période hivernale.
Un « makroudh » aux tomates séchées
« La saison de la tomate, par exemple, s’étend généralement de mai à novembre. Dans ma cuisine fusion, je préfère utiliser les tomates séchées en hiver. », fait savoir Nordine Labiadh, chef tunisien du restaurent « À mi-chemin », au 31 Rue Boulard, Paris XIVe, en France, et chouchou des médias tricolores.
« Un couscous aux anchois et aux tomates séchées ou des raviolis farcies d’une garniture de ce produit ou une brandade de chèvre et de tomates séchées voire même un « makroudh » où une pâte de ce condiment vient remplacer les dattes ou bien un mesfouf aux trois tomates : voilà des idées que je pourrai proposer dans ma carte. », ajoute ce professionnel des arts culinaires originaire de Zarzis.
« Kohbz tabouna », « bruschetta », « doigts de de Fatma », etc.
De son côté, le jeune chef exécutif de l’ambassade tunisienne de Vienne, Khoubeib Dhouibi juge que le meilleur usage de la tomate séchée serait dans des salades ou dans des farces pour des pâtes (cannelloni ou escargots) accompagnée d’épinard et de ricotta ainsi comme farce de poulet ou de viande rouge avec des fruits secs.
« La tomate séchée a un goût très particulier, et j’en utilise partout. Mais, aussi, on peut l’utiliser à l’image de nos ancêtres comme substitut au double concentré de tomate. Je la verrai très bien en tartines, style « bruschetta » (une préparation culinaire traditionnelle d’antipasti typique de la cuisine italienne-Ndlr) avec des tomates cerises, du basilic et du parmesan ou en tapenade de tomates séchées aux anchois, aux câpres & aux pignons ou en tapas catalans semblables au « pa amb tomàquet » (des tranches frottées par de de l’ail, badigeonnées par une sauce de tomate séchée et assaisonnées avec de l’huile d’olive et, éventuellement, du sel) ou en tarte salée ou dans des sandwichs, soit entières ou concassées ou mixées comme une pâte de tomate ou comme garniture d’un roulé salé (comme le cake roulé) ou une tarte aux tomates séchées avec un appareil (farce) composé d’Œuf, crème fraîche, emmental et noix de muscade ou un cheescacke salé au pesto rosso. », souligne ce jeune prodige des fourneaux.
Toujours selon ce chef de cuisine, natif de Grombalia, pour les plats tunisiens et internationaux, il est possible de jouer sur la texture de la tomate séchée: « On peut en faire une pâte: un condiment avec tomates séchées coupées en petits dés, marinés dans de l’huile d’olive. On peut, également, réaliser avec les tomates séchées une tuile ou les réduire en poudre ou en faire un sorbet. », précise-il.
« D’ailleurs, on peut les utiliser pour préparer du pain fait-maison ou les incorporer dans le fameux « Kohbz tabouna », en mettant une cuillère de tomate séchée dans la pâte. Idem pour les « bricks », on peut concocter des « doigts de Fatma » au four avec comme farce: tomates séchées, ricotta et basilic. Les ménagères peuvent aussi cuisiner un « mosli koucha », en remplaçant les tomates fraîches par des tomates séchées, ou un « borghol » avec une sauce de macaronis à base de tomate séchée mixée et/ou coupées en petit dés. », affirme-t-il.
« Plat tunisien », « bricks », « fricassé », « oummek houria »… et « sushis » !
Né à Nabeul, formé à Lyon à l’Institut Bocuse d’Ecully et chef de son propre restaurent « Plume » au 24, rue Pierre Leroux, Paris VIIe, en France — après un apprentissage au Meurice, au Crillon, chez Senderens ou encore Guy Martin avant un détour par les Etats-Unis et la Tunisie — chef Youssef Gastli pense que la tomate séchée est avant tout un bon moyen de conservation. C’est comme la fermentation. Le fait de sécher les aliments permet de les conserver dans le temps.
« Je pense aussi qu’elle est la première utilité des tomates séchées. En suite, c’est un super bon condiment. Moi, je l’aime bien taillée en julienne ou en brunoise: c’est très bien pour relever un plat qu’il soit chaud, froid ou même dans une sauce ou une farce. », déclare-t-il. « On peut, également, l’utiliser dans un « plat tunisien » ou comme farce d’une « brick » ou d’un « fricassé » ou pour décorer une « Oummek Houria ». Et pourquoi pas un dans couscous au poisson ou au poulpe? Je pense que c’est un produit assez passe-partout capable de donner un coup de peps. On pourrait même faire des « sushis » avec les tomates séchées. À méditer ! »
En revanche, le Vice-Président & Secrétaire général de la « World Association of Master Chefs » (WAMC) et chef exécutif-consultant en Arabie saoudite Mahjoub Aouidet, alias « Evan Carlo », préfère utiliser les tomates séchées dans les salades « composées » ou « exotiques ».
« Ce produit du terroir peut être utilisé comme entrée chaude ou froide avec des fromages en salade ou avec des mousses. Il a un goût exceptionnel si on l’associe au fromage de chèvre et au miel. », mentionne-t-il. « Toutefois, je pense qu’il faut valoriser ce condiment dans des bonnes recettes tunisiennes en mode gastronomique ou bistronomique sous forme de coulis de tomates séchées au miel et aux noisettes. Par ailleurs, la tomate séchée se marie bien avec du poisson fumé ou de la viande fumée. », insiste-t-il.
En « pesto » ou en dessert créatif
Enfin, l’ex-coach de « Team Tunisia » lors de la Grande Finale du Bocuse d’Or 2019, à Lyon, en France, et chef exécutif de l’Hôtel Nelligan et de l’Auberge Vieux-Port, à Montréal (Québec), au Canada, Khelil Ben Ammar privilégie la tomate séchée sous forme de « pesto rosso ».
« Un bon « pesto » sera considéré comme un excellent ingrédient pour des garnitures. Par exemple dans: un caviar d’aubergine ou une vinaigrette, un « tacos » ou un sandwich ou une pizza. Je trouve que la tomate séchée, comme telle, a une texture « chewy » (comme du chewing-gum) et la peau dérange. Ainsi, un bon « pesto » de tomate séchée sera utilisé dans une cuisine comme une épice: un ajout de saveur tomaté. Un délicieux « pesto » où la texture ou l’épaisseur sera modifiée, selon l’utilisation. », claironne-t-il.
« Une tomate séchée blanchie, coupée en petite brunoise, peut être l’un des ingrédients pour un condiment ou une sauce « salsa » mexicaine. Sinon, de bonnes tomates séchées bien marinées donnent un goût bien acidulé qui intensifie le goût de la tomate dans une savoureuse « kamya » accompagnée de petits cubes de fromage grec « feta ». Dans un autre registre, une poudre de tomate séchée, puis, fumée au romain et au thym peut-être utilisée comme un « RUB » (marinade sèche: pour la viande (ou le poisson) cuite en général au BBQ et dans le but de rehausser son goût-Ndlr) et combinée à des épices pour agrémenter une bonne « brisket » (poitrine de bœuf ou de veau). »
Chef Ben Ammar ne s’arrête pas là. Outre le « RUB », les tomates séchée peuvent être déclinées en poudre infiniment: sel à la poudre de tomate séchée, poudre pour décorer le trottoir de l’assiette, etc…
D’après ce virtuose de la gastronomie, la tomate séchée a un fort potentiel pour se décliner en dessert. « Oui, pourquoi pas ! Mais pas comme ingrédient principal. On pourra faire des fleurs de tomates séchées cristallisées. Les tomates devraient être coupées en forme de pétales de rose (quartiers) pour garnir notre dessert. On peut, aussi, faire de la crème glacée au « pesto » de tomate séchée ou un « crumble » de tomate séchée voire même associer les trois recettes dans un seul dessert. Que des idées à creuser… Osez oser ! », conclut-il.
Pour rappel, la tomate séchée fait l’objet d’un programme de valorisation et de promotion, et ce afin de développer sa commercialisation aussi bien sur le marché local qu’à l’exportation. Ce programme a été initié par le ministère de l’Agriculture, l’Union tunisienne de l’agriculture et de la pêche (UTAP) et le Centre de promotion des exportations (CEPEX) avec l’appui de la Direction générale des industries alimentaires (DGIA), du Groupement des industries des conserves alimentaires (GICA) et du projet PAMPAT2 (Programme d’Accès aux Marchés des Produits Agroalimentaires et du Terroir) financé par le Secrétariat d’Etat à l’Économie Suisse (SECO) et mis en œuvre par l’Organisation des Nations Unies pour le Développement Industriel (ONUDI) dans le cadre d’un plan d’action quinquennal dédié à la filière tomate séchée.