Crédit photo: Anis KALAÏ – © Copyright mangeonsbien.com
À l’image de l’Italie, terre des pâtes, la Tunisie a aussi ses Maîtres pastiers, dont les « spaghetti », les lasagnes, les « macaroni », les « capellini », les « vermicelli » (cheveux d’ange) rivalisent avec ceux des plus célèbres enseignes de la Botte. C’est, le cas au marché central de Tunis, où la Maison fondée par Eugène Mongelli perpétue et peaufine, depuis les années 1950 des raviolis fraîches à l’italienne: un véritable trésor du terroir et symbole d’une Tunisie cosmopolite dans le passé. Reportage.
Fleuron de la cuisine italienne, les « spaghetti » (en italien pluriel de spaghetto) et les « macaroni » occupent une bonne place dans le patrimoine culinaire tunisien, notamment à travers une consommation, presque au quotidien, de la tomate concentrée et des pâtes sèches. Mais qui dit plaisir, dit pâtes fraîches et artisanales.
À Tunis, depuis plus d’un demi siècle, la Maison Mongelli avec ses raviolis frais enchante les papilles des amateurs de la gastronomie italienne. Cette Mecque des pâtes fraîches et sèches a fait des raviolis sa spécialité. Niché au beau milieu de la zone réservée aux fromagers dans le marché central de Tunis, ce temple des spécialités transalpines a su garder son charme des années 1950 comme en témoigne sa plaque en bois où il est écrit: « Raviolis Mongelli ».
Un atelier chargé d’histoire
Repris en 1962 par un commerçant djerbien nommé Touhami Jemaïel, l’atelier a gardé le décor d’antan. Dans cette PME familiale, l’âme insufflée par « Il signor Mongelli » demeure intacte. Il suffit de jeter un oeil à l’intérieur de leur magasin pour apprécier l’originalité des lieux. Outre les boîtes de conserves et la légendaire échelle en bois qui permet d’accéder au grenier de stockage, la présence d’un ancien réfrigérateur de la marque américaine « Kelvinator » et, surtout, d’une raviolatrice manuelle, estampillée avec les initiales « Mongelli » (visibles sur les raviolis, voir photo principale), nous replongent dans l’ambiance de la Tunisie des années 1950 et 1960.
« Mon père n’a rien changé. Non seulement, il a appris le métier de Monsieur Eugène Mongelli, mais, il a aussi tenu à préserver l’authenticité du coin. D’ailleurs, cette raviolatrice manuelle est unique en son genre en Tunisie. Vous ne la trouverez nulle part. Il suffit de voyager en Italie et vous allez, sûrement, trouver un exemplaire exposé dans l’un des musées dédiés à l’histoire de l’art culinaire du pays. L’entretien et la maintenance au quotidien sont les seuls garants de la longévité de ce genre de matériel. », souligne le Maître pastier, Nacer Jemaïel.
En effet, de père en fils et, aujourd’hui, d’oncle à neveu, chez les Jemaïel, le passage du savoir-faire de la Maison Mongelli se transmet comme un témoin lors d’une course olympique de relais 4×100 mètres.
« En 1972, j’ai quitté l’école à l’âge de 14 ans et tout de suite, j’ai rejoint mon père pour le seconder dans la fabrication des raviolis et les pâtes fraîches. Voilà maintenant 44 ans que j’exerce cette passion. Depuis deux ans, mon père a décidé de partir à la retraite après 54 ans de service. Aujourd’hui, mon neveu Ahmed est mon bras droit. Il fallait assurer la relève. », ajoute Naceur.
Chaque jour, l’oncle et son neveu se réveillent à quatre heures du matin. Il se pointent à cinq heures et demi au marché central pour attendre l’arrivée de l’agent municipal afin de leur ouvrir les portes. Il faut dire que chez Mongelli, les raviolis (produit phare de la Maison) se déclinent en deux variétés: l’une à la viande hachée et l’autre à la ricotta et aux quatre fromages avec un peu d’épinards.
La fidélisation, la marque de la Maison
Contrairement à leurs concurrents de la place, devant l’atelier de la Maison Mongelli qui sert aussi de point de vente, le comptoir ne désemplit pas.
« J’habite à Bizerte et à chaque fois que je suis de passage à Tunis, je viens chez Si Naceur afin d’acheter des raviolis et des cheveux d’ange pour préparer El Ktaïef (Le kenafeh (كنافة), en arabe). J’achète pour moi et ma fille qui habite à Gabès. C’est un passage obligatoire surtout au Ramadan. D’ailleurs, je demande toujours à ma nièce, qui fait la navette, de me ramener des produits frais. », fait savoir Mme Jalila Ayari.
Un autre client fidèle résidant à Radès nous confie aussi sa passion pour les raviolis Mongelli:
« Ça fait plus de 30 ans que j’achète mes pâtes de chez Si Naceur. Sa lasagne fraîche et surtout ses raviolis sont inimitables. Le goût est toujours le même depuis les années 1980. Rien n’a changé. Toujours le même sourire au visage et la bonne blague est au rendez-vous. On est bien soignés avec un rapport qualité/prix qui défie toute concurrence. », souligne Mohsen.
En effet, la spécificité des raviolis Mongelli réside dans sa composition. Selon, le maître pastier Naceur Jemaïel, outre l’usage de huit oeufs dans la préparation d’un Kilo de pâtes, c’est la présence de la semoule qui fait la différence. Contrairement aux raviolis de l’industrie agro-alimentaire, la pâte à farcir dans l’atelier Mongelli est composée de 50% de semoule et de 50% de farine. D’où la texture un peu ferme qui donne dans la bouche la sensation « al dente » tout en préservant le plaisir moelleux de la farce.
« Chez nous, le client peut assister à la genèse des tablettes de raviolis. La fabrication est 100% artisanale. En plus, tout est frais. À partir de huit heures du matin jusqu’à quatorze heures et demi, nos clients peuvent trouver la production du jour. », fait savoir Ahmed Jemaïel, le neveu du Maître pastier.
Après avoir préparé la pâte, le jeune Jemaïel la place entre les rouleaux compresseurs du cylindre. La pâte qui en ressorte est, par la suite, roulée autour d’un support en forme de bobine sur le plan de travail en marbre tout en la saupoudrant de farine jusqu’à l’obtention de jolis rouleaux. Puis, l’artisan place ces derniers dans la raviolatrice manuelle et actionne la manivelle pour faire sortir de la machine de belles tablettes de raviolis que le pastier prend le soin de les affiner avec son couteau. Enfin, les tablettes sont placées soigneusement dans des casiers en bois datant des années 1950.
Et si les Iraniens (Perse sassanide) et les Chinois à travers leurs « jiǎozi » se disputent la paternité des raviolis, les descendants de Marco Polo ont su imposer leur savoir-faire culinaire pour en faire un produit populaire et bon marché… C’est le cas, en Tunisie, avec la Maison Mongelli dont la douzaine de raviolis est à 1,6 dinar tunisien… Elle est pas belle la vie ?
En photos: les étapes de fabrication des raviolis Mongelli
En photos: les étapes de fabrication des raviolis Mongelli
Pour les curieux :
- Adresse: Raviolis Mongelli (magasin numéro 93) – Marché central de Tunis, 9 Rue d’Allemagne, Tunis – Code Postal: 1000
- Tél: (+216) 71-32-12-32
Bravo pour ce travail illustrant encore votre professionnalisme.
Merci Kamel.
Vos compliments me vont droit au coeur !
Ça ne peut que galvaniser davantage l’équipe du magazine électronique mangeonsbien.tn
Amicalement.
Bravo !
Je suis né à Tunis et je suis le fils d’Eugène Mongelli, le créateur des Raviolis Mongelli. Votre reportage m’a arraché les larmes ! ! Vous rendez un hommage extraordinaire au travail de mon père et je vous en remercie infiniment ! Ses successeurs ont su perpétuer et ont gardé précieusement la démarche de fabrication.
Une anecdote : les farces des raviolis étaient fabriquées à la maison par ma mère et toute mon enfance a été bercée par des odeurs de cuisine extraordinaires ! A tel point que j’en ai fait mon métier et je suis maintenant à la retraite de Chef de Cuisine.
Je vous remercie chaleureusement et je vais garder religieusement ces photos et ces textes ! ! Vous m’avez fait rajeunir de 50 ans.
Je serai à Djerba dans quelques jours et je ne sais pas si j’aurai le temps de monter à Tunis en pèlerinage au Marché Central mais je ne cesserai pas d’y penser.
Merci
Monsieur Lucien Mongelli,
Je suis à la fois ému et touché par votre commentaire. Nous faisons du journalisme pour lire ce genre témoignage.
Au nom de toute l’équipe du Web Magazine « mangeonsbien.tn », je vous remercie infiniment pour vos compliments !
Cordialement.
Ma famille esr cliente chez Mongelli et si Naceur depuis toujours. Les amis venaient déjeuner chez nous spécialement pour les ravioli. Je transmets à mon tour cette adresse exceptionnelle à mes enfants ! Dieu vous garde et perpétue votre succès et la fidélité de vos clients !
Bravo ! Super travail
Merci Mme. Djait.
L’équipe de mangeonsbien.tn ne peut que se réjouir d’un tel compliment venant d’une professionnelle et spécialiste du journalisme de la gastronomie.
Cordialement
Encore Bravo pour cet article, c’est mon enfance qui passe devant mes yeux en lisant l’article, photos très bien faite, rien à dire 🙂
Bonne continuations 🙂
Nasser bravo.
Quel hommage rendu aux pâtes fraîches , à Mongelli et au brave Naceur. Je suis un fidèle de la boutique depuis plus de vingt ans. Ces établissements proposent également, un fromage sicilien râpé fin et si parfumé qu’il a fini par s’attitrer la sublime appellation de « parmesan tunisien ». Un binôme qu’on ne peut lui trouver rien de paradoxal quand on sait que la « maltaise de Tunisie » est une orange unique au monde de par ses senteur et saveur. A Tunis, on avait deux marques incontournables de pâtes, toutes deux italiennes; l’une industrielle et l’autre artisanale. Si la première Gondolfo, en l’occurrence, qui avait pignon sur rue non loin du marché central, précisément à l’avenue du Portugal devenue après l’indépendance Farhat Hached, a fermé boutique depuis une quinzaine d’années pour voir ses locaux abriter l’actuel café-théâtre « L’Etoile du Nord », la seconde par contre, garde jusqu’à ce jour, sa marque originelle Mongelli et voit son activité perpétuée grâce à une continuité dans la qualité assurée par le digne successeur tunisien Naceur.
Très bel hommage ! Bravo à si Abdel Aziz Hali et à toute l’équipe, encore bravo et bonne continuation à si Naceur.
Née à Tunis, habitant ancienne rue Es-Sadikia devenue rue Jamel Abdelnasser, le marché central n’avait (presque) plus de secrets pour moi. Votre reportage sur les raviolis, celui sur les bricks et suivants me rappellent tout un pan de ma vie dans cette belle Tunisie. Merci
Pingback: Au coeur de Tunis, une île gourmande entre Espagne, Allemagne, Danemark et Italie... - Mangeons Bien
Bravo pour ce reportage. En vous lisant, je devine la suite. Habitant le quartier depuis les années 60 jusqu’aux années 80, le marché central n’a pas d’égal, c’était le cœur battant de Tunis. Il faut dire qu’il n’y avait ni Manazah ni Ennasr ni, ni.. Et on ne mangeait les raviolis que chez Mongelli et puis chez si Jemaiel. N’habitant plus la capitale, je stocke les raviolis achetées lors de mon passage à Tunis au congélateur.
j’aime les commentaires encore plus que les raviolis. bravo
j’aime les commentaires encore plus que les raviolis, bienvenue Lucien
bnjr comment contacter 3am naceur ? famma un num de tel ?
Pingback: Tortellini "bianconeri" comme vous ne les avez jamais goûté ! - Mangeons bien
Pingback: Nostalgie du Marché central : il était une fois les raviolis Giacalone
Nous sommes entrain de construire nôtre restaurant PASTA E BASTA a Houmet souk Djerba comment je faire une commende si possibles merci
Bravo pour votre travail et bonne continuation
Pingback: Tourisme | Grand-Tunis : à quand un "parcours de la gastronomie"?
Pingback: Le Marché central de Tunis: une île gourmande entre Espagne, Allemagne, Danemark et Italie...
Cela fait 38 ans que j’achète les raviolis chez lui, toujours aussi bonnes, et Si Naceur toujours aussi accueillant. Un plaisir d’acheter chez lui.
Merci pour ce bel article. Quel émouvant commentaire de Lucien Mongelli, le fils du promoteur initial de cet atelier de pâtes artisanales. Je reste un admirateur des Jmaiel, j’ai connu le père qui a pris la succession de Mongelli, puis le frère de Si Nacer et maintenant son neveu. Comme l’atelier qui passe de main en main, chez les Jmaiel , la clientèle se passe le relais entre génération pour l’ approvisionnement en pâtes, en fromage ….et en boites de thon ….C’est tout une mémoire de l’histoire culinaire de Tunis. Le plus remarquable dans ce magasin c’est la propreté, l’absence de clinquant et la douceur et l’honnêteté des Jamaiel ….des qualités qui font plaisirs et renforcent la relation.
J’aime bien savoir si l’atelier prépare/pas les pâtes fraîches de Bizerte « Nnjàrà » et si quelqu’un possède le numéro de la boutique ça me contentera beaucoup de l’avoir :p
Vos interactions sont superbes ^_^
Je retrouve dans ce reportage tout le parfum qui entoure ce coeur battant de Tunis. J’admire encore la vocation vissée au corps des djerbiens qui, sur tout le territoire, tiennent les épiceries avec professionalisme et accueil, sans oublier de vous procurer et satisfaire votre demande. Je ne suis pas étonné quand je viens à Tunis de retrouver une boutique comme mongelli, et tant d’autres dans ce marché où la satisfaction du client en est la règle, avec hygiène et qualité. Continuez à faire vivre les traditions tunisiennes. Merci
Pingback: Chez "Nino" Maenza : un petit bout de Sicile à Hammamet... avec une touche napolitaine !