Crédit photo: Abdel Aziz HALI – © Copyright mangeonsbien.com
En guise de cadeau en ce 2ème jour de l’Aïd El Kebir, je vous offre une promenade de Mahdia à La Chebba en longeant les côtes à travers les sentiers goudronnés et souvent rocailleux ou sablonneux.
La sortie sud de Mahdia vous donne l’opportunité de mesurer l’importance des activités maritimes de la ville, le port de pèche s’étend sur des kilomètres.
Le spectacle au petit matin, avec le retour des bateau « balançis » (chalutiers, en français), spécialisés dans la pêche des sardines et maquereaux, déchargeant leur cargaison dans des caisses « tilars » (bacs de criée à poissons, en français) jadis en bois, aujourd’hui en plastique, est époustouflant. Aucune maison dans la région, tout au long les mois chauds, ne manquera de ces poissons bleus frétillants.
En déambulant dans les ruelles, vous sentirez les odeurs de friture typiques et votre salive ne manquera pas de couler mais aussi les odeurs du couscous brun, dit « chemsi », à base de semoule qui mélange de le blé dur et l’orge (2/3 orge, 1/3 blé), garnis de piments de la région dodus — pleins de chair et qui piquent la langue mais la comblent de plaisir —, des morceaux de citrouille et des oignons sont là pour adoucir et donner un goût suave à la sauce.
Quant aux « latchas » (allaches, en français), certaines sont cuites dans la sauce et d’autres frites. Toutes chaudes, elles accompagnent les succulents mets de la région.
Il nous est arrivé de déguster un couscous aux sardines à Regiche chez Mohamed Baraket, paix à son âme, préparé par l’une de ses sœurs qui trotte toujours dans nos têtes avec des sensations délicieuses. Je pense que Mohamed Sakka a les capacités culinaires de nous gratifier un jour ce mets simple et exceptionnel.
Les « skombris » (maquereaux, en français) — cette autre variété de poisson bleu —, achetés en « kods » (tas, en français) chez les pêcheurs à leur retour du large, grillés au charbon de bois, trempés dans l’huile d’olive n’a pas d’égal.
Nous avons vécu cette expérience, tout un groupe d’anciens copains de Bordeaux, chez Mohamed Baraket qui avait loué une grande maison pied dans l’eau. Nous avions initié la journée par des maquereaux grillés au petit-déjeuner et continué avec un couscous au mérou au déjeuner.
Rassasiés les Baraket Mohamed et Yrène, les Sfar Mehdi et Souad, les Rgaya Lamine et Souad, les familles Sakka et Zgarni, nous étalâmes sur les « mtareds » (nattes de jonc, en français) à même le sol pour profiter de la brise maritime et faciliter le digestion.
Mais aux cris de « guergueb, hendi bil mouss », Mehdi Sfar héla immédiatement le bédouin et Mohamed Baraket lui suggéra de décharger les deux couffins « chouaris » pour soulager son âne prétendait-il. Vous ne me croirez pas si je vous dis que le bédouin était parti avec un large sourire sur les lèvres mais aussi avec ses deux couffins vides et son âne soulagé. Mehdi Sfar s’est avéré champion dans cette compétition des figues de barbarie, il l’a été aussi avec la sève fermentée de dattier, dite « legmi », à Kerkennah.
Zouila située juste après le port de pêche fût de tout temps le coin difficile de la ville. Réservée aux usines de conserves de sardines et aux fabriques de savon à base d’huile d’olive et de potasse, son environnement a toujours battu de l’aile à cause des pollutions diverses non contrôlées.
De plus elle a connu le prélude d’une nouvelle tendance sociale, celle de l’utilisation d’une main d’œuvre féminine pas chère célébrée par la chanson populaire qui dit « Chouffou ach amlet ha esserdina bha al maquinet Errajel kaaed fi terkina ma tkhdem ken lebnets » (regardez ce qu’ont fait les sardines avec ces machines, la gent masculine chôme dans son coin et la gent féminine travaille).
L’environnement de Zouila s’était totalement désagrégé avec l’installation de l’usine du furfural (un composé organique industriel qui est le dérivé de divers produits secondaires agricoles comme le maïs, le son d’avoine et de blé, et la sciure : il est utilisé notamment dans la manufacture du plastique Durite, comme solvant pour le coton ou l’acétate de cellulose, pour accélérer la vulcanisation, en tant qu’insecticide, germicide ou fongicide, dans la manufacture de vernis et comme catalyseur-NDLR) dans les années 1980. Aucune des formes de vie terrestre, aquatique ou aérienne n’a échappé aux méfaits des rejets toxiques. Le témoignage ci-dessous de Si Béchir Torki est édifiant à ce sujet.
Zouila semblait ressortir de son passé peu glorieux avec un projet fort promoteur, des aménagements gigantesques furent engagés et des bassins immenses crées pour des futurs marinas intégrées dans des zones résidentiels futuristes. Malheureusement, les constructions se font toujours attendre et les herbes folles recouvrent les terres.
D’ailleurs, l’école de formation professionnelle de la pèche jouxtée à la Zaouia d’un « Ouli salah » (marabout, en français) marque le passage vers Réjiche. Ce petit bourg agricole jadis distant de Mahdia a fini par s’y coller. Les piments, le sorgho et quelques autres légumes et fruits coutumiers ainsi que les pierres « foundis » tout-blancs extraites des carrières jouxtant la mer formaient les seuls subsides du village. S’est ajouté, de nos jours le tourisme, les plages de Réjiche restées à l’état inaltéré attirent de plus en plus les tunisiens.
De Réjiche à El Hageb, la petite route goudronnée sépare sur la droite les petits vergers qui se répètent à l’infini avec des oliviers, des amandiers, des figuiers, des vignes et des maisons coquettes sur la gauche donnant directement sur la mer.
A El Hageb le sable se fait rare, les rochers plats forment des enclos où vivent d’innombrables poissons et nichent des poulpes de belle taille. Les pêcheurs en barque ou en solitaire adorent cet endroit.
Eddouera vient tout de suite étaler ses vergers plus étendus et ses maisons plus modestes, plutôt des anciennes constructions de paysans. La mer est « courte » (c’est peu profonde) comme on la qualifie ici, elle convient parfaitement aux enfants.
Nous arrivons ensuite au meilleur coin de la région selon mon vécu: El Manakaa qui rassemble tous les attributs de l’extrême beauté de la nature. Son café en dôme « kabou » (voûte) bâti à l’ancienne avec des banc maçonnés « doukkanas » (alcôves), blanchi à la chaux est situé dans la petite place du bourg au bon milieu de la rue qui le divise en deux rangées de maisons et villas.
Celles de gauche, les plus fortunées, dominent la mer précédée de dunes de sables de taille impressionnante. Elles disposent toutes de petits vergers verdoyants entourés par des agaves aux fleurs jaunes géantes, elles possèdent toutes un puits « hessié » profond à peine de deux à trois mètres avec une eau douce et fraîche. Une douche avec cette eau puisée au « stall » (sceau) donne une jouissance sans égal.
Viennent ensuite une série de lieux et de plages portant les noms de familles bien établies de Ksour Essaf et constituant dans leur ensemble Salakta : Chat el Bkharsa, Chat El Fdhilat, Chat Enngimat, Rass Chbourou avec ses rochers pour sécher sardines et « ouzefs » (mange-tout) et laver la laine et les couvertures, El Marsa avec le port de pêche et Chat Ezzgarniet, El Bhar il Maiet et El joul avec ses falaises impressionnantes et ses carrières de « foundis » qui s’étendent jusqu’à la route de Sfax.
Pointe ensuite El Gdhabna disposant d’une forêt en bordure de mer où nous avions passé des belles journées avec nos camping-cars et profitions des beaux spectacles de musique classique pas loin du Colisée de Thysdrus, le fameux amphithéâtre romain d’El Jem.
El Gdhabna est réputée être le meilleur endroit pour la pêche du mulet de la région, dit « mejjel », bourré d’œufs jaunes et fermes, à la chair baignée d’huile jaunâtre. Grillés et accompagnés de pain « tabouna » et d’huile d’olive, ces poissons sont un don de la nature et ils comblent tous les palais aussi exigeants soient-ils.
Tout près d’El Gdhabna se situe Khammara, lieu béni pour la qualité de ses « bithar », des figues jaunes, fendillées, dégoulinantes de miel. La Boukha n’en est pas loin et son nom sonne juste.
Sidi Abdallah Chaouali, notre homme saint « ouli salah » continue à surveiller la mer de sa « zaouia » (mausolée, en français) blanche perchée sur le seul monticule du coin. Il vous attend pour vous raconter d’autres belles choses sur sa région.