Photo: Fayez Nureldine / © AFP
Pour Farah al-Malki, faire pousser des caféiers est plus qu’un travail, c’est une tradition familiale transmise de génération en génération, que le gouvernement saoudien et les professionnels cherchent de plus en plus à promouvoir.
A Jazan, dans le sud-ouest du royaume, le patriarche de 90 ans a, à l’image de son pays, une longue histoire avec le café qui s’est répandu de l’Ethiopie au Yémen puis au reste du Moyen-Orient vers le XVe siècle.
« Mon père a hérité (de ce métier, NDLR) de ses grands-pères, j’ai pris la relève et l’ai transmis à mes fils, puis à mes petits-enfants », raconte le vieil homme à l’AFP, en regardant ceux-ci tailler des arbres.
Jazan est connue pour ses grains de café « khawlani » rouges, souvent mélangés à de la cardamome et à du safran pour donner une teinte jaunâtre au café, connu localement sous le nom de « gahwa ».
Son arôme différent de la boisson amère bue ailleurs dans le monde reste une partie importante de la culture locale, si bien que le gouvernement a désigné 2022 « année du café saoudien ».
Servi avec des dattes aussi bien à la maison que dans les palais royaux, le « gahwa » est considéré comme un symbole d’hospitalité et de générosité.
Vêtu de la tenue traditionnelle des caféiculteurs, une chemise sombre et une longue jupe (wizrah), un poignard à la ceinture, Farah al-Malki s’occupe toujours des champs, malgré son âge.
« Le plus grand problème que nous avions était le manque d’eau et de soutien », dit-il.
Mais avec la volonté de diversifier l’économie de la riche monarchie pétrolière, le gouvernement a lancé en janvier une campagne de promotion du café.
Les autorités ont demandé à tous les restaurants et cafés d’utiliser l’appellation « café saoudien » plutôt que « café arabe ».
Et le géant pétrolier national Aramco a annoncé un projet pour établir un centre dédié au café à Jazan en utilisant « des techniques avancées d’irrigation pour améliorer la production agricole ».
« Attirer les investisseurs »
Fin 2021, le royaume comptait 400.000 caféiers dans 600 exploitations à travers le pays, produisant 800 tonnes de café par an, une goutte d’eau par rapport à la production des mastodontes du secteur, comme le Brésil et l’Ethiopie.
Mais, selon des médias locaux, l’Arabie saoudite prévoit de planter 1,2 million d’arbres khawlani d’ici 2025.
Les neuf fils de Farah participent tous à cette industrie, que ce soit à l’étape de la culture, de l’emballage, ou bien du transport et de la commercialisation.
Parmi eux, Ahmed, 42 ans, porte comme son père des vêtements traditionnels de fermier, ainsi qu’une coiffe faite de fleurs.
« Toutes les fermes sont biologiques », assure-t-il, ajoutant avoir une connaissance intime des grains de café Khawlani.
La famille produit quelque 2,5 tonnes de café moulu par an, dont le prix varie entre 23 et 35 euros le kilo.
Selon l’historien Yahya al-Malki, lié à cette famille, le « secret » des grains khawlani réside dans leur culture dans la région de Jazan, chaude, humide et pluvieuse.
L’Arabie saoudite espère voir figurer la culture du café khawlani sur la liste du patrimoine culturel immatériel de l’humanité.
« Cela aidera à soutenir les fermiers et à préserver les caféiers tout en attirant des investisseurs étrangers dans la région », estime Ahmed, évoquant un rêve qui deviendrait réalité.
Il dit aujourd’hui espérer transmettre ce savoir-faire à ses propres enfants et petits-enfants et prie pour qu’il reste « une source de revenus pour eux ».