Les Andes, réserve de superaliments menacée par la surproduction

Par Ana FERNANDEZ – Crédit photo: Cris BOURONCLE © 2018 AFP


Des sommets des Andes à la jungle amazonienne, en passant par la froide Patagonie, les peuples autochtones mangeaient déjà du quinoa, du camu camu ou du calafate. Mais ces ingrédients d’un régime sain à l’audience désormais mondiale sont menacés par la surproduction.

Riches en antioxydants, vitamines, aminoacides, minéraux et fibres, les graines de l’Altiplano au coeur de la cordillère des Andes, l’une des régions habitées les plus hautes au monde (quinoa, kiwicha, kaniwa), les racines (manioc, poire de terre) et les baies (calafate, goyavier du Chili) représentent un espoir pour prévenir les maladies cardiovasculaires, l’obésité ou le cancer, estiment les experts.

Issus du commerce équitable et très à la mode, ces superaliments sont devenus un filon pour l’industrie alimentaire andine: entre 2011 et 2015, l’offre de ces produits naturels a triplé, selon Promperu, l’organisme chargé de promouvoir le Pérou.

Et les exportations ne cessent de progresser. Celles de quinoa péruvien, « graine d’or » des Andes déjà cultivée par les Incas, ont quadruplé en valeur entre 2012 et 2017, passant de 34,5 à plus de 124 millions de dollars. Celles de sacha inchi, une noix riche en acides gras, ont plus que doublé l’an dernier, indique l’organisme péruvien. Belle progression aussi pour la lacuma, un fruit à haute teneur en vitamines.

 

– Altérer les propriétés –

Mais le succès mondial de ces produits qui séduisent gourmets, végétariens et diététiciens a une conséquence néfaste: pour répondre à la demande, les producteurs ont accru les volumes de production. Or les propriétés de ces superaliments peuvent être altérées si le sol n’est pas adéquat et lors du processus de transformation auxquels ils sont soumis pour être commercialisés et exportés, prévient Marcela Zamorano, chimiste spécialiste de l’analyse des aliments de l’Université de Santiago du Chili.

Le quinoa, notamment, est parfois soumis à de hautes températures lors de son conditionnement.

« Le principal défi est que les nutriments d’un produit industrialisé, par rapport à la graine originale, ne diminuent pas », relève la Finlandaise Ritva Repo, docteur en chimie des aliments de l’université agricole La Molina, à Lima, et auteure de plusieurs livres sur le quinoa.

Si le quinoa est originaire de l’Altiplano bolivien et péruvien, cette graine est désormais produite également aux Etats-Unis, aux Pays-Bas, en Inde ou en Chine. Pourtant, hors de son habitat naturel, cette graine andine peut perdre une partie de ses nutriments, souligne Mme Repo.

 

Superaliments
La chimiste finlandaise Ritva Repo, lors de son entretien à l’AFP le 24 janvier 2018 à l’université La Molina, à Lima (Crédit photo: Cris BOURONCLE – © 2018 AFP)

 

Pour aider les consommateurs à identifier les meilleurs produits péruviens, Isabella Falco, directrice de Promperu, plaide pour la mise en place d’une appellation d’origine contrôlée.

« On dit que le quinoa qui pousse à 4.000 mètres d’altitude est le plus riche en nutriments », assure-t-elle à l’AFP.

Les autres graines des Andes, comme la kiwicha ou « amarante queue de renard », plus riche en calcium et protéines que le quinoa, et la kaniwa, qui contient plus de fibres et de fer que la kiwicha, pourraient à terme rencontrer le même problème de déperdition de qualité que leur cousine.

 

– Prévenir les maladies –

Si ces superaliments plaisent autant, c’est aussi pour leurs vertus sanitaires. Les experts s’accordent à dire que ces baies, fruits et graines riches en vitamines peuvent aider à prévenir ou retarder les maladies chroniques non transmissibles, telles que le diabète.

Mais ils ne peuvent pas remplacer les médicaments en cas de maladie, prévient la chimiste Marcela Zamorano.

« Généralement, les superaliments ne combattent pas une pathologie mais préviennent l’apparition de certaines maladies », à condition d’être consommés régulièrement, explique-t-elle à l’AFP.

Gâteaux, pâtes ou boissons énergisantes… Une industrie a vu le jour autour de ces produits, comme la maca (une tubercule connue comme le viagra inca), le camu camu, fruit d’Amazonie qui contient autant de vitamine C que 60 oranges, ou la feuille de coca, très nourrissante.

 

Superaliments
Photo montage de diverses sortes de graines de kiwicha (en haut) et de quinoa (en bas), récoltées dans la cordillère des Andes, et présentées le 24 janvier 2018 à l’université La Molina, à Lima (Crédit photo: Cris BOURONCLE – © 2018 AFP)

 

A l’université du Chili, des chercheurs se penchent sur les propriétés anti-obésité du calafate, une baie qui pousse dans le sud du Chili et de l’Argentine.

« Notre idée est que ça puisse venir en complément d’un régime pour perdre du poids », explique à l’AFP le docteur Diego Garcia, qui dirige le projet.

M. Garcia étudie également les propriétés anti-inflammatoires du goyavier du Chili, de la fraise sauvage et du maqui, une autre baie bleu nuit aux vertus anti-oxydantes et connue dans ce pays comme la « wineberry », car utilisée pour colorer le vin.

Dans les capitales péruvienne, chilienne et bolivienne, ces superaliments sont mis à l’honneur dans toujours plus de restaurants, dont certains se sont hissés aux premiers rangs des classements gastronomiques, comme le Borago (Santiago du Chili), l’Amaz (Lima) ou le Gustu (La Paz).


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Un commentaire sur “Les Andes, réserve de superaliments menacée par la surproduction

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