Par Jerome TAYLOR – Crédit photo: Hector RETAMAL – © 2019 AFP
On ne devient pas l’un des plus grands chefs au monde sans une obsession constante du détail. Attentif à tous les commentaires, Alain Ducasse nourrit un regard bienveillant pour les réseaux sociaux, qui l’aident à garder un oeil sur son empire mondial de restaurants.
Né dans le sud-ouest de la France, devenu citoyen monégasque en 2008, Alain Ducasse, 62 ans, compte plus d’étoiles au Michelin qu’aucun autre chef vivant (20), dont trois restaurants triplement étoilés.
Et, de la même façon que sa cuisine admet une touche de modernité au coeur du meilleur de la tradition culinaire, Alain Ducasse voit davantage l’entrée des smartphones dans ses salles à manger comme un atout que comme un inconvénient.
« On avait un souci à New York il y a quelques années. En regardant les commentaires des clients, on s’est aperçus qu’il y avait un sujet. Un sujet incroyable », raconte à l’AFP M. Ducasse de passage à Macao.
Dans son restaurant Benoit, un bistrot à quelques rues de Central Park, « tout le monde se plaignait du poulet rôti et, oui, on avait un problème avec le poulet rôti ! », reconnaît l’homme aux trois restaurants triplement étoilés.
« Donc on a changé, (…) à cause ou grâce au social media », dit Alain Ducasse.
– « Implication personnelle » –
C’est pourquoi il conserve un oeil attentif sur les commentaires qui touchent sa trentaine de restaurants, éparpillés dans sept pays.
Depuis le début du siècle, la mondialisation a contribué à l’essor d’empires culinaires, parfois trop rapides. Le célèbre chef britannique Jamie Oliver a annoncé en mai la faillite de ses restaurants au Royaume-Uni, entraînant la suppression immédiate d’un millier d’emplois.
Une autre star culinaire britannique, Gordon Ramsey, a connu avec sa galaxie de restaurants bien des hauts et des bas financiers, à l’instar de ses célèbres sautes d’humeur. Un temps, il a cumulé jusqu’à 16 étoiles au Michelin mais n’en a plus que 7 aujourd’hui.
Comme le Français Joël Robuchon, chef décédé l’an passé qui cumula 32 étoiles au sommet de sa carrière, Alain Ducasse, lui, parvient à conserver les louanges des critiques gastronomiques, tout en poursuivant son expansion.
Il vient de célébrer le premier anniversaire d’Alain Ducasse au Morpheus, son restaurant situé à Macao, dans le Morpheus hôtel au design flamboyant, oeuvre posthume de l’architecte irako-britannique Zaha Hadid.
Le chef français fait état de « beaucoup d’implication personnelle » dans ce restaurant doublement étoilé. « On a choisi chaque détail ici avant d’ouvrir, on a travaillé trois ans minimum (….) Je connais chaque objet. »
– « Du prêt-à-porter » –
Macao, capitale du jeu, a été contrainte ces dernières années par Pékin de se diversifier pour proposer une offre plus familiale, qui ne soit plus exclusivement centrée sur les casinos, ce qui a entraîné l’ouverture d’une pléthore de grands restaurants ciblant essentiellement les riches touristes de Chine continentale.
L’ex-colonie portugaise compte ainsi trois établissements trois étoiles et cinq « deux étoiles ». Une offre culinaire « très compétitive », explique M. Ducasse. « Il ne faut pas dormir. Il faut rester éveillé. »
Voilà 15 ans que le chef est présent en Asie. Outre le Japon, il est installé à Hong Kong et compte ouvrir des restaurants à Bangkok et Singapour.
Pour autant, jamais il ne proposera de cuisine asiatique, « pour la raison qu’on ne serait pas suffisamment experts. » « Je ne vais pas être un maître sushi parce qu’il faut dix ans pour apprendre », explique-t-il. « Je n’ai pas assez de temps. »
Le chef multiétoilé assume pleinement les différences entre ses établissements, filant la métaphore de la mode:
« On ne peut pas multiplier la haute couture, ce sont chaque fois des créations particulières », dit-il. « Ici c’est une création culinaire. »
Ses établissements les plus prestigieux ont tous « Alain Ducasse » accolé à leur nom.
« Tout le reste, c’est du prêt-à-porter ».