Photomontage: Abdel Aziz HALI & Anis KALAI – © Copyright mangeonsbien.com
Le printemps vient de dresser son chapiteau sur la Tunisie. Or qui dit mois de mars et avril, dit saison de distillation des fleurs, surtout, au Cap Bon. Réputée pour ses orangeraies, cette presque île du Nord-est tunisien demeure, depuis des siècles, le fief de la production du « Z’har » ou « Zahhar »: l’hydrolat de fleurs de bigaradier* (Citrus aurantium L.), appelé aussi eau de fleur d’oranger.
Originaire d’Asie mineure, l’oranger a été introduit et implanté dans toute l’Europe méditerranéenne par les Arabes au IXè siècle. Les produits de la fleur d’oranger sont l’absolue ou l’essence (distillation) que l’on appelle NÉROLI, du nom de la princesse Italienne Nérola qui la rendit populaire au XVIIè siècle. Les récoltes ont lieu entre avril et mai.
Les plus grands pâtissiers d’Europe l’apprécient car cette dernière est connue pour ajouter un gout subtile aux crèmes pâtissières, aux muffins, aux madeleines et aux crêpes.
En Tunisie, l’eau de fleur de bigaradier est traditionnellement utilisée en cuisine, surtout dans la gastronomie capbonnaise pour agrémenter, non seulement les desserts, les pâtisseries et les boissons, mais aussi plusieurs mets.
« À Nabeul et dans d’autres localités du Cap Bon, l’eau d’oranger est la pierre angulaire de notre cuisine ancestrale. Elle accompagne presque tous nos mets. On l’utilise pour mouiller la graine du couscous et surtout pour donner une signature parfumée à nos ragoûts. « , souligne Fethi SOMAÏ, un foodie nabeulien.
Ça se marie bien avec le safran
Du côté de la Cité des Potiers, Nabeul (la capitale du Cap Bon), depuis des lustres, les femmes, connues pour leur attachement à des traditions culinaires millénaires et une gastronomie raffinée qui prend racine dans la cuisine andalouse, s’ingénient le jour de l’Aïd El Kébir et suivants à confectionner des plats aussi riches que variés.
De ce fait, après l’immolation et le dépiautage du mouton égorgé selon le rituel islamique, les ménagères entament d’emblée la préparation du “mchalouat” : un plat typiquement nabeulien et cuisiné aussi du côté de la ville de Dar Chaâbane El-Fehri.
« Il s’agit de prélever des morceaux divers de viande de mouton (notamment à partir des côtes, du collier, de l’épaule, du gigot droit, du cœur, la rate et du foie) lesquels sont assaisonnés de sel, curcuma, cannelle, « chouch il ward » (bouton de rose de Damas), huile d’olive et arrosés par un mélange d’eau de fleur d’oranger et de safran broyé par un bras de mortier en cuivre chauffé. L’on procède ensuite à la cuisson. Le plat doit être servi chaud avec à la discrétion gustative du consommateur un trait de jus de citron accompagné par un cocktail de persil et d’oignons finement découpés. », fait savoir Mme Neïla HALI.
Autres mets salés:
- Carottes râpées au « Z’har », au jus d’orange et au romarin
- « Marquet jelbana bel berchni/allouche » (ragoût de petit-pois à la viande de chevreau ou à la viande de mouton)
- « Mermez bel allouche » ou « mermez belberchni » (ragoût de pois chiches et d’oignons à la viande d’agneau)
- Couscous au mérou
- Couscous de l’An du Hégire à la viande séchée
- « Qlaya arrassi« (ragoût au foie et à la viande de boeuf pour célébrer un mariage)
- « Makarounet dar El Ers » (tagliatelles servies le premier jour post-nuit de noces)
- Tous les plats qui se préparent au Safran
L’alliée de la pâtisserie locale et même internationale
Les Nabeuliennes utilisent aussi l’eau d’oranger pour parfumer et rehausser leurs pâtisseries et les gâteaux traditionnels, nous citons par exemple:
- « Mesfouf » du shour ramadanèsque
- « Rfisset droô« (une pâtisserie à base de couscous, de sorgho, de dattes et d’écorces séchées d’oranges)
- « Baklaoua » (baklava) (même si on a tendance à lui préférer l’eau de rose)
- « Bachkoutou aârbi » (biscuits traditionnels faits-maison)
- « Khobzet droô« (gâteau à base de sorgho)
- « Mhalbiya » (le pudding de riz)
- « Krima arbi » (crème pâtisisère traditionnelle à base d’amidon de maïs et oeufs frais)
- « Sahfa rommen » (bol de grenadines)
- « Droô bel rommen » (une pâte de sorghoo mixée avec de l’huile d’olive et des graines de grenadines)
- Salade de fraises (des fraises coupées en petits morceaux et mélangées avec de l’eau de fleur d’oranger et du sucre semoule)
Sinon, avec la mondialisation, l’eau de fleur de bigaradier est parvenue à séduire les pâtisseries sous d’autres cieux qui l’utilisent désormais pour ré-hydrater, par exemple, des fruits secs (pruneaux, raisins, abricots,…) avant de les incorporer dans une semoule, un riz au lait, un flan ou une salade de fruits frais.
Tandis que d’autres chefs et artisans pâtissiers s’en servent pour parfumer ou aromatiser d’autres produits:
- Boissons (jus de fruits, lait, tisanes, lassi, cocktails…)
- Pâtisseries et entremets à base d’amande
- Crèmes à base de melons, d’abricots et d’orange
- Fromages frais en mélange avec du miel
- Crème fouettée ou chantilly (à servir avec un gâteau au chocolat)
- Sorbets, glaces ou cheesecakes
- Salade de carottes râpées
- Etc…
L’hydrolat de fleur d’oranger, comme les herbes aromatiques et les épices du même nom donnent du goût, sous d’autres cieux, à d’autres aliments : quiches, purées, farcis, gratins, soupes, omelettes, légumineuses, plats de riz ou de céréales.
Excellente pour la santé
Dans la tradition capbonnaise et un peu partout en Tunisie, l’eau de fleur d’oranger est utilisée fréquemment pour faire chuter la température d’une personne qui a de la fièvre ou victime d’ensoleillement.
Pour ses propriétés ses propriétaires médicinales, selon Dr. Mouna MILED-BOUGHZELA, pharmacienne et phyto-aromathérapeute, l’eau de fleur de bigaradier est un bon:
- Antidépresseur: ll détend, calme et apaise les personnes nerveuses.
- Remède pour les troubles du rythme cardiaque.
- Calmant pour les enfants hyperactifs, agités ou fatigués.
- Produit contre la fatigue chronique et l’insomnie.
« L’hydrolat du bigaradier contient 0,4% des molécules aromatiques: chaque hydrolat est une version allégée de son huile essentielle (HE), ici on parle du fameux « Néroli », précise Dr. MILED-BOUGHZELA.
D’ailleurs, selon préceptes des grand-mères nabeuliennes, l’eau de fleur d’oranger est très recommandée pour traiter la nervosité et les insomnies des enfants.
« Vous pouvez utiliser l’eau de fleur d’oranger pour aider vos enfants à s’endormir. De ce fait, il est conseillé d’ajouter 1 cuillère à café de cette eau florale dans le biberon ou dans un grand verre d’eau avant de se coucher. », conclut-elle.
*Le bigaradier (Citrus aurantium L.): l’oranger
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meilleures salutations pour cette page culinaires très intéressantes pouvez vous nous indiquez les meilleures adresses des artisanes qui distillent les fleures d’oranger de rose etc… on vous fait confiance .
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Magnifique explication je souhaiterai la copier pour l’envoyer à mon Fils
Bonjour Madame,
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Sinon copier le lien de l’article et le coller dans le corps d’un email.
Cordialement
Je souhaiterai telle ment avoir cette page pour partager avec mes enfants
Madame,
Vos enfants peuvent consulter cet article comme vous venez de le faire.
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Cordialement
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Bonjour! existe t’il une eau de parfum, fleur d’oranger, fabriquée au Cap Bon, ou ailleurs en Tunisie? Si oui, je vous serais infiniment reconnaissante de me donner l’adresse.
Bonjour, pourquoi la couleur de zhar est foncée?
L’huile essentielle (le néroli) est assez présent dans cette fiasque.
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