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Connaissez-vous le « kordiène » (« الكرديان », à Nabeul ou à Korba ou à Menzel Horr)? Peut-être vous le connaissez sous l’appellation de « markoudha » (« المركوضة », à Bennane dans le gouvernorat de Monastir) ou de « Kahwet adham » (« قهوة عظم », à Kélibia). Retour sur une douceur des pauvres.
Le « kordiène » (« الكرديان »), voilà une sucrerie qui éveille en nous plein de beaux souvenirs. Il s’agit d’un entremets ramadanesque typique du quartier du Rbat à Nabeul. Il est dégusté en cours de soirée afin de parer à un éventuel risque d’hypoglycémie causée par le jeûne ou en fin de veillée constituant ainsi, une idée « shour » pour les amateurs de sucreries.
La recette est simple: sucre moulu, eau de fleur de bigaradier, jus de citron et blancs d’oeuf. Le tout est fouetté jusqu’à ce que une fois le bol renversé, la crème ne se désolidarise pas de la paroi et la cuillère reste suspendue. Il est proche du sabayon italien qui n’en diffère que par l’usage des jaunes d’oeufs à la place des blancs, l’ajout du marsala et le fait que le mélange soit fouetté après qu’il ait mijoté au bain-marie.
Certes la recette est simple, mais il n’est pas évident de réussir un « kordiène » à texture ferme et homogène. Jusqu’à il y a quelques décennies, la réussite d’un bon « kordiène » faisait l’objet d’un concours dans les ruelles du Rbat où la gent masculine rivalisait sans complexes avec les femmes.
« Au delà du côté compétitif de cette animation ramadanesque et spécifique au quartier du Rbat , nous enfants, nous avions notre ambiance durant ce mois saint et à l’image des grands nous faisions notre » kordiène » ! Cela évoque en nous de bons souvenirs de jeunesse. Nos parents nous faisaient jeûner des mi-journées car nous insistions à faire comme les grands. Ils nous occupaient au « kordiène ». Simple ! Une boite de Nestlé détournée à l’occasion, une fourchette en guise de fouets une émulsion de blanc d’oeuf, du sucre glace et quelques gouttes de jus de citron…, et nous voilà partis à battre, à fouetter de toutes nos forces. Un jeu ludique qui nous amusait au début et nous lassait à mi-parcours si les blancs ne montaient pas. La patience a des limites ! Mais on ne lâchait pas prise. Nous voyant en difficulté, nos mamans venaient à notre secours et c’est reparti pour un tour. », raconte Mme Essia MEZGHENNI-BATAILLE.
Si la tradition du « kordiène » a fini par se perdre dans la cité des potiers, dans d’autres régions, ce délice de des pauvres continue de faire de la résistance. C’est le cas dans la localité de Bennane, dans le gouvernorat de Monastir, mais sous une autre appellation: la « markoudha » (« المركوضة »).
D’ailleurs, à Bennane, la « markoudha » est tellement populaire qu’un festival lui est dédié.
Enfin, à Kélibia dans le nord du Cap Bon, le « kordiène » est connu sous le nom de « Kahwet adham » (« قهوة عظم »). Généralement, cette dernière est servie comme un dessert et décorée avec des fruits secs ou de petites friandises pour lui apporter du croquant ainsi que des fruits de saison.
Comme quoi, en Tunisie, chaque région a ses propres traditions et us.