Crédits photo: Abdel Aziz HALI – © Copyright mangeonsbien.com
Ces dernières années, les produits du terroir n’ont cessé de grignoter une part de marché comme en témoigne le succès du concept des épiceries fines et la fleuraison des espaces de vente du producteur au consommateur.
Et la notion de terroir semble être redevenue à la mode comme objet économique, comme l’atteste Bernard Pecqueur dans son article scientifique « Les terroirs constituent-ils un objet économique ? », publié dans l’ouvrage « La mode du terroir et les produits alimentaires » de Claire Delfosse (Editions Les Indes Savantes- 2011. – pp. 59-73).
Flairant l’opportunité que peut présenter un tel filon, plusieurs entreprises tunisiennes de l’industrie agro-alimentaire ont mis le paquet pour intégrer cette niche dans leur chaîne de production et l’utiliser comme un solide argument de marketing.
Ainsi, il suffit de jeter un oeil sur le palmarès du 1er Concours tunisien des produits du terroir, qui s’est déroulé, les 29 et 30 novembre 2017, et dont les résultats ont été proclamés, le vendredi dernier (08/12/2017), pour constater une forte présence de produits industriels parmi les lauréats.
Devant un tel constat, trois questions s’imposent:
- Quel est vraiment le bien fondé de l’utilisation du mot « terroir » si le produit passe par les différents processus de transformation/conditionnement de l’industrie agro-alimentaire avec notamment l’intégration des fameux additifs alimentaires (améliorants, stabilisants, émulsifiants, colorants, etc.)?
- Comment peut-on parler de « produits du terroir » alors que des gages de traçabilité, tels que les labels A.O.C. (Appellation d’Origine Contrôlée, un label présent dans la législation tunisienne), I.G.P. (Indication Géographique Protégée) et A.O.P. (Appellation d’Origine Protégée), manquent à l’appel dans ce segment d’activité (que ce soit dans ce Concours ou sur le marché tunisien)?
- Comment peut-on mettre dans une même catégorie d’un concours un produit artisanal avec un autre issu de l’industrie agro-alimentaire ayant subi un processus physico-chimique pour améliorer son aspect « organoleptique » [comme si on mettait sur la même ligne de départ d’une course un Pur-sang arabe (cheval) en concurrence avec une monoplace de Formule 1 (une Ferrari pilotée par Sebastian Vettel ou la Mercedes de Lewis Hamilton)-Ndlr]?
Par exemple, en France (le pays référence en matière de terroir), sur l’étiquette d’un produit, le signe « A.O.C. ou Appellation d’Origine Contrôlée » est la seul garantie de la notion « produit de terroir ».
Idem pour l’I.G.P. (Indication Géographique Protégée), qui, selon « Gourmandise sans frontières », sans ce label « n’importe qui pourrait fabriquer n’importe où un produit de terroir spécifique, et en utiliser le nom. Ainsi, la production et/ou la transformation doivent avoir lieu dans l’aire géographique déterminée par le label. ».
Soulignons que dans l’univers de l’agro-alimentaire, les produits dits de « terroir » sont, certes, dérivés de procédés traditionnels spécifiques à un terroir, mais ils sont constamment améliorés tout au long de la chaîne de transformation/conditionnement alimentaire par des techniques nouvelles, ce qui peut dénaturer leur âme originelle et surtout leur caractère.
Or, selon les dires d’un représentant de l’industrie agroalimentaire « la survie de nos produits du terroir passera par leur industrialisation et commercialisation », sinon, « ces produits n’arriveront jamais au-delà de nos frontières ou encore dans les assiettes des clients des grandes surfaces ».
Nul doute qu’un bon plan de marketing est, généralement, le vecteur de tout succès commercial. Par contre en l’absence d’une A.O.C. ou d’une A.O.P., la notion de « produits du terroir » perd tout son sens au profit d’une publicité qui risque d’être mensongère et industrieuse de profits pour les majors de l’agro-alimentaire dans nos contrées.
*l’Indication Géographique Protégée (I.G.P.):
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