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Autrefois, les familles de Hammamet, cette ville côtière, qui étaient tous des agriculteurs ou des pêcheurs, avaient l’habitude de s’alimenter quatre fois par jour. Pour le « mayou al-âjmi » (« مايو العجمي », en dialecte tunisien), selon les traditions hammametoises, on prépare plusieurs mets et douceurs. Gros plan !
Le 14 mai de chaque année, les Capbonnais célèbrent le «mayou al-âjmi». C’est le cas aussi à Hammamet où les femmes se mobilisent pour préparer le fameux couscous blanc à la viande et d’autres spécialités de cette ville balnéaire.
«El-krout» : le brunch des Hammamétois
Autrefois et contrairement à d’autres régions, à Hammamet, les familles de cette ville, qui étaient tous des agriculteurs ou des pêcheurs, avaient l’habitude de s’alimenter quatre fois par jour. Le matin, avant d’aller aux champs, les femmes préparaient le «chokan errik» (« شقان الريق », en dialecte tunisien), dit aussi «bellan errik» (« بلان الريق », en dialecte tunisien), ensuite entre 10h00 et 11h00, c’était le tour du «El-krout» (« الكروت », en dialecte tunisien) ou «Ettakrit» (« التكريت », en dialecte tunisien: un terme inspiré du casse-croûte chez les Français et l’équivalent du brunch chez les anglo-saxons). Un peu tard dans l’après-midi, les Hammamétois mangeaient «El-maktouû Dhahrou» (« المقطوع ظهرو », en dialecte tunisien: un déjeuner tardif) et enfin, ils prenaient le dîner.
«Quand nous étions petits, mes parents se réveillaient avec l’appel de la prière. Après l’accomplissement de ce rituel, ma mère préparait le «chokan errik» (« شقان الريق », en dialecte tunisien) et mon père s’occupait de la charrette, notre moyen de transport pour rejoindre les champs. Le «chokan errik» se composait de «Aâssida bel helba» (« عصيدة بالحلبة », en dialecte tunisien: une sorte de bouillie à base de farine ou de semoule de blé, dans lequel on ajoute des graines de fenugrec broyées, arrosées d’huile d’olive et de sucre-Ndlr), des beignets, «mhammas abyadh» (« محمص أبيض », en dialecte tunisien) aux dattes (un plat traditionnel maghrébin: un mets à base de pâtes de farine en forme de petits plombs, préparé sous forme de soupe sans sauce de tomate), l’incontournable huile d’olive vierge, les «Chrayah» (« الشرايح »: des figues séchées au soleil), etc.», raconte Naïma Mrad.
Et tout dépend du volume du travail :
«Il nous arrivait soit de prendre le déjeuner à temps aux alentours de 13h00 ou de casser la croûte vers 10h00 avec « El-krout » (« الكروت ») très consistant. Les enfants avaient la tâche d’enlever les mauvaises herbes et d’aider les hommes dans l’irrigation. Après le déjeuner, nos parents partaient faire la sieste en dessous du «Bortal» (« البرطال »: préau en arabe), tandis que les enfants allaient chasser les «Chokchik» (« الشوقشيق »: les chardonnerets) à l’aide du «Ghorbal» (« الغربال »: tamis) qui servait de piège. Entre 16h00 et 18h00, le jour où on ne déjeunait pas vers midi, «El-maktouû dhahrou» (« المقطوع ظهرو »)prenait le relais jusqu’au dîner», explique la jeune femme.
Il faut dire qu’ « El-krout » englobe un large éventail de mets et de pâtisseries:
- « Aâssida bel helba » (« عصيدة بالحلبة », en dialecte tunisien: une bouillie de farine de blé de fenugrec)
- « Aâssida bel felfel mharres » (« عصيدة بالفلفل المهرس », en dialecte tunisien: une bouillie de farine au piment broyé)
- « Mhammas abiyadh » (« محمص أبيض », en dialecte tunisien),
- Mhammas bel karouia » (« محمص بالكروية », en dialecte tunisien: une soupe de plomb au carvi),
- « Bzaouech » (« بزاوش », en dialecte tunisien: des piment séchés frits)
- « Felfel » (« فلفل », en dialecte tunisien: une sauce aux piments et à l’ail, style «Chakchouka» (« شكشوكة », en dialecte tunisien),
- «Maqroudh» (« المقروض », en dialecte tunisien: gâteaux en forme de losanges à base de semoule), notamment le « maqroudh el-koucha » (« مقروض الكوشة », en dialecte tunisien),
- «Ftaier» (beignets, « الفطاير », en dialecte tunisien),
- «Ghraibet homs» (« غريبة حمص », en dialecte tunisien: sucreries à base de pois-chiches),
- « Ghaiba baidha » (« غريبة بيضاء », en dialecte tunisien: sucreries à base de semoule de blé),
- « Ghraibet droô » (« غريبة درع », en dialecte tunisien: sucreries à base de farine de sorgho),
- « Ftaier bel helba » (beignets au fenugrec, « فطاير بالحلبة », en dialecte tunisien)
- « Lamkhakh » (« لمخاخ », en dialecte tunisien: des doigts farcis à la crème pâtissière qui ressemblent aux canoli siciliens),
- « Bachkoutou arbi » (« بشكوتو عربي », en dialecte tunisien: biscuits traditionnels tunisiens)
- « Madmouja » (« مدموجة », en dialecte tunisien)
- « Chbabek el jenna » (« شبابك الجنة », en dialecte tunisien: des tuiles semblables aux gaufres, mais frits)
- « Hlalem » (« حلالم », en dialecte tunisien: une soupe à base de pâtes fraîches en forme de cheveux d’anges),
- Et « Khobzet droô » (« خبزة درع », en dialecte tunisien: un gâteau de sorgho)
«El-maktouû dhahrou»: un déjeuner qui prend son temps
Et pour ce qui est du menu d’ «El-maktouû dhahrou» (un déjeuner tardif), les anciens de Hammamet préparaient jadis du:
- «Babbouch kadhab» (« ببوش كذاب », en dialecte tunisien: une sauce à base d’escargots),
- «Hsou» (« حسو », en dialecte tunisien: une soupe à base de semoule très fine),
- Couscous «Boutaza» (« كسكسي بو طازة », en dialecte tunisien),
- Couscous au «lift el merchan» (« كسكسي بلفت المرشان », en dialecte tunisien),
- Le fameux « couscous de mayou » (« كسكسي مايو », en dialecte tunisien),
- «Masfouf bel felfel mharras» (« مسفوف بالفلفل المهرس », en dialecte tunisien),
- «Masfouf bel chakchouka» (« مسفوف بالشكشوكة », en dialecte tunisien),
- «Masfouf bel felfel essifi» (« مسفوف بالفلفل الصيفي », en dialecte tunisien),
- Et «Tbikhet el kraâ» (« طبيخة القرع », en dialecte tunisien).
Mais sans aucun doute, le « couscous de mayou » (« كسكسي مايو », en dialecte tunisien) reste de loin le plat phare des célébrations du « mayou al-âjmi »(« مايو العجمي », en dialecte tunisien) à Hammamet.
Décoré avec d’œufs, d’amandes, de pois-chiche, de gros morceaux de viande de bœuf, de friandises et de pétales de roses, ce couscous avait la particularité d’être préparé sans sauce de tomate.
«La tradition veut que le couscous de mayou, qui accompagne aussi les Hammametois dans leurs cérémonies de mariage ou lors des obsèques, soit préparé sans l’ajout de concentré de tomate ou de sauce rouge. Ce qui lui donne la couleur blanche, très appréciée des Hammametois et symbole de pureté», fait savoir Mme El Hergli, celle qui a préparé le couscous.
Assurément, avec de telles traditions culinaires et une table bien garnie, comme le dit le proverbe français:
«Le mois de mai de l’année décide la destinée».