Par Ivan Couronne © 2018 AFP – Crédit photo: iStock
La ville américaine de Seattle vient d’interdire les couverts et pailles en plastique dans ses restaurants et cafés, une victoire pour les défenseurs de l’environnement… mais qui sera difficile à reproduire dans le reste des Etats-Unis.
Après les sacs plastiques, la paille est devenue en quelques années l’ennemi à abattre, tant le décalage est criant entre ses quelques minutes d’utilisation et les images d’animaux marins les ingérant. Une vidéo de 2015 d’une paille coincée dans la narine d’une tortue a été vue plus de 30 millions de fois sur YouTube.
Seattle, située au bord d’une baie sur la côte pacifique, est la plus grande ville américaine (725.000 habitants), à ce jour, à avoir imposé l’interdiction, que jusqu’à présent seules quelques stations balnéaires avaient osée – dernièrement Malibu le 1er juin.
Les élus de Seattle avait adopté l’interdiction en 2008, mais donné plusieurs années aux restaurants pour trouver des substituts, tels que les couverts compostables. Depuis le 1er juillet 2018, chaque infraction coûtera 250 dollars aux contrevenants.
Même si le consommateur ne les jette pas par terre et les met à la poubelle, les fourchettes et pailles en plastique ne peuvent généralement pas être recyclées, car elles sont trop petites et passent à travers les lignes de tri des usines de recyclage, et finissent dans les décharges… d’où elles peuvent, potentiellement, s’envoler et finir dans les cours d’eau et les océans.
Le mouvement pour les interdire est mondial, bien qu’embryonnaire. La Commission européenne a proposé de bannir les plastiques à usage unique, comme les couverts, les assiettes, les coton-tiges et bien sûr les pailles, mais il faudra encore plusieurs années pour que les Etats-membres exécutent l’interdiction. Le Royaume-Uni veut agir dès cette année.
Aux Etats-Unis, on est encore loin d’une interdiction, au-delà des bastions écologistes de la côte ouest.
Dans l’Etat d’Hawaï, dans le Pacifique, une proposition de loi a échoué, face à l’opposition d’associations professionnelles. La Californie débat en ce moment d’une loi moins radicale qui interdirait aux restaurants de proposer une paille… sauf si le client en demande une. A New York, le maire est favorable à leur disparition, mais aucune loi n’a encore été adoptée.
– Fleuves asiatiques –
La bataille des sacs plastiques, engagée depuis plus d’une décennie, illustre les obstacles à venir pour les pailles. Aujourd’hui, seuls la Californie et Hawaï ont interdit les sacs plastiques, sur 50 Etats. Washington les fait payer cinq cents aux clients.
A l’inverse, une dizaine d’Etats ont des lois… interdisant à leurs villes de les interdire.
Au Texas, la ville démocrate d’Austin et d’autres viennent de voir leur tentative d’interdire aux magasins locaux de donner des sacs plastiques jetables à leurs clients annulée par la justice, avec le soutien du procureur général du Texas, un républicain.
Les industriels militent pour de la souplesse. La fédération des industries chimiques a adopté le slogan: « Si vous n’avez pas besoin de paille, n’en prenez pas ».
Et la grande fédération nationale des restaurants rappelle que dans certaines circonstances, comme lorsque l’on conduit ou qu’on a un certain handicap, l’usage d’une paille est bénéfique.
Nick Mallos, de l’ONG Ocean Conservancy, dit à l’AFP qu’une « mesure facile » serait de voir restaurants et entreprises adopter des politiques volontaires pour ne proposer des pailles que sur demande. Certains cafés le font déjà à travers le pays, parfois avec une image de tortue sur une affichette.
Alaska Airlines va remplacer cet été ses petites pailles-touillettes en plastique par des touillettes en bouleau. McDonald’s étudie la possibilité de remplacer le plastique par un matériau biodégradable.
In fine, toutefois, l’immense majorité de la pollution plastique des océans provient non de villes comme Seattle, où la gestion des déchets est relativement efficace, mais d’Asie et surtout de Chine, où les infrastructures de gestion des déchets sont dépassées.
Plus de 90% du plastique des océans vient de seulement 10 fleuves, dont huit asiatiques et deux africains, selon une estimation réalisée en 2017 par le centre de recherche environnementale de Helmholz.
« La meilleure chose à faire, à court terme, serait d’aider ces pays à mieux ramasser et gérer leurs déchets », dit à l’AFP Kara Lavender Law, professeure d’océanographie à la Sea Education Association.
Mais elle souligne que cela ne doit pas empêcher les pays développés de préparer des alternatives au plastique.
« Nous devons réfléchir à la façon dont nous utilisons ces matériaux, qui sont conçus pour ne pas se biodégrader », dit-elle.