Par Rebecca FRASQUET – Crédit photo: Eric PIERMONT / © AFP
Que personne ne soit privé de dessert. Gourmande, mais diabétique depuis ses 13 ans, Alixe Bornon a imaginé des pâtisseries qui font peu monter le taux de sucre dans le sang: ainsi sont nées Les Belles Envies.
« J’ai toujours aimé le sucré, qui m’était interdit. J’en avais marre de manger des gâteaux d’anniversaire vraiment pas bons. Je me suis dit qu’on pouvait travailler les recettes autrement, alors j’ai passé un CAP de pâtisserie », raconte l’entrepreneure de 31 ans, ex-juriste dans un cabinet de chasseur de têtes.
« Je voulais que personne, ni les diabétiques, ni les sportifs, ne soit écarté au moment du dessert, qui est un moment de plaisir et de partage ».
Dans la vitrine de sa boutique du 5e arrondissement de Paris ouverte il y a quatre ans, trônent l’œuf chocolat passion avec son coulis à la mangue, un grand succès, l’éclair au cassis et le paris-brest, sa dernière création.
Ces gâteaux gourmands et colorés font peu monter la glycémie grâce à une recette où le sucre de fleur de cocotier -clin d’œil à l’enfance de la pâtissière en Guadeloupe- remplace le sucre blanc raffiné, et des farines de lupin ou de coco, riches en fibres, les farines raffinées.
Ils ont été élaborés avec l’aide de Jean-Michel Borys, médecin endocrinologue spécialiste du diabète, une maladie chronique qui touche 3,7 millions de personnes en France, et se traduit par un excès de sucre dans le sang et donc un taux de glucose (glycémie) trop élevé.
« Pour le moment on n’a pas réussi à faire de macarons: la coque, c’est de la poudre d’amandes mais aussi du saccharose qu’on n’utilise pas du tout parce qu’il a un index glycémique très élevé », dit la jeune femme brune à l’énergie débordante. « Sortir une nouvelle recette nous prend un mois ».
– Banques sceptiques –
Une trentaine de recettes ont été mises au point, qui font l’objet d’une certification IGC pour « index glycémique contrôlé ».
L’an dernier, Les Belles Envies ont été livrées aux joueurs de tennis du tournoi de Roland-Garros, et même à l’Elysée, ce qui ravit la jeune femme, dont la journée ressemble à un marathon, malgré ses injections d’insuline quotidiennes.
« Pour le moment nous n’avons pas de concurrents. On en aura, je l’espère, ça voudra dire que c’est un produit qui plaît, dont on a besoin pour se sentir mieux », dit l’entrepreneure qui enchaîne les conférences et a publié un livre.
Avec un chiffre d’affaires en hausse de 260% pour ses deux boutiques parisiennes en 2019, elle approvisionnera bientôt 30 restaurants avec un nouveau site de production, et veut décliner Les Belles Envies en franchise dans le monde entier.
Au début les banques « n’y croyaient pas du tout », se souvient AlixeBornon. « En plus je suis diabétique: mon taux d’emprunt était aux alentours de 7%, contre 1,5% normalement, ça c’est dur ». « Un +business angel+ qui adorait le projet a mis 100.000 euros. Sans lui, Les Belles Envies n’existeraient pas ».
A la Fédération française des diabétiques, Jean-François Thébaut rappelle que 90% des diabétiques français ont un diabète de type 2, souvent lié à l’obésité, qui apparaît généralement après 40 ans.
De ce fait, ils doivent non seulement « privilégier les sucres lents pour ne pas avoir de pic de glycémie, mais aussi surveiller leur poids: or la ration calorique d’une pâtisserie », qu’elle soit standard ou à indice glycémique bas, « reste élevée ».
En revanche les 10% de personnes atteintes d’un diabète de type 1, qui débute souvent avant 20 ans, ont « des contraintes alimentaires un peu moins sévères »: elles peuvent « adapter leurs injections journalières d’insuline si elles ont un repas de famille, ou font de l’exercice ».
« C’est rarissime un endroit comme Les Belles envies », dit Agnès Berthaud, qui vient régulièrement avec son mari. « Lorsqu’on visite une ville, on trouve parfois un salon de thé avec un seul gâteau sans sucre. Ici, c’est le paradis ».