Par Jeremie RICHARD – Crédit photo: Creative Commons (CC) – Stefán Birgir Stefáns
C’est une tête de mouton ébouillantée encore fumante qui est prête à être disposée sur le buffet du Thorrablot (Þorrablót, en islandais), une fête païenne islandaise proposant des plats anciens… à s’en retourner l’estomac.
« Le Hákarl (viande de requin faisandée), Lifrarpylsa (saucisse au foie de mouton), le Þorramatur (Thorramatur), le Hangikjöt (viande d’agneau fumée), le Hrútspungar (testicules de rennes), le Blóðmör (boudin d’agneau) ou le Svið (tête de mouton) servie avec du pain noir », souligne Anaïs Gibert dans edreams.fr.
Egalement proposé à la carte ce soir: boudin noir, testicules de bélier découpés en fines tranches, saucisses de foie, agneau fumé, hareng, poisson séché, baleine aigre et requin fermenté.
Le Thorrablot célèbre Thorri (Þorri, en islandais), la personnification du froid et de l’hiver dans la mythologie nordique. Il représente le quatrième mois de l’hiver dans l’ancien calendrier nordique, généralement situé entre janvier et février.
Fêté en plein coeur de l’hiver, cette année Thorri tombe entre le 25 janvier et le 23 février.
En famille, entre collègues ou entre amis, les Islandais partagent généralement un repas ou deux en son honneur, disposant sur la table du festin des plats traditionnels -souvent fermentés, fumés ou séchés pour une meilleure conservation – accompagnés d’alcool et de chansons.
– « Odorant » mais « délicieux » –
L’odeur d’ammoniac de requin fermenté et délicatement coupé en petits cubes vient immédiatement chatouiller les narines à l’ouverture du bocal.
« C’est comme le fromage en France: l’odeur vous prend au nez mais quand vous le goûtez c’est vraiment délicieux », s’amuse Perla Runarsdottir, propriétaire du Café Loki, un restaurant de cuisine traditionnelle islandaise installé dans la capitale Reykjavik.
« J’adore sa saveur, ça me rappelle les souvenirs de mon enfance et nous permet de nous connecter à nos racines », raconte Sigurdur Ingi Hauksson, 47 ans, un brin nostalgique.
L’allié indispensable pour agrémenter la sapidité du requin: un verre de Brennivín, un alcool local fort, semblable au Schnaps, fait à base de pulpe de pomme de terre fermentée et aromatisé aux graines de carvi.
« C’est bien pour se rincer la gorge et faire passer cette étrange saveur », recommande Perla, mère de famille de 47 ans.
Une macédoine de légumes, des pommes de terre cuites à la vapeur et une purée accompagnée de pain de seigle viennent compléter un repas déjà bien consistant.
« C’est déjà mon septième cette année mais ce n’est jamais trop pour moi », fanfaronne Thorsteinn Gunnlaugsson.
Les racines modernes du Thorrablot qui remontent au XIXe siècle. Dans les années 60, il a été réhabilité sur les tables islandaises grâce au Naustid (Naustið, en islandais), un restaurant de la capitale (aujourd’hui disparu-ndlr).
C’est là « un bon moyen de se retrouver tous ensemble au milieu des longues nuits d’hiver », résume Sigurdur Ingi.
Plongée en plein coeur de l’hiver, l’Islande ne connaît que quatre heures d’ensoleillement par jour. Le solstice d’hiver vient ensuite extirper le pays de sa torpeur nocturne pour lui donner un regain d’ensoleillement quotidien.