Crédit Photo: Aida MRAD-BEN AMMAR – © Copyright mangeonsbien.com
Loin de la péninsule ibérique, à Montréal comme à Tunis, la « paëlla » est un plat qui ne laisse personne indifférent. Riche en protéines et haut en couleurs et saveurs, ce mets typiquement espagnol a su conquérir le monde pour devenir un symbole de la « cuisine champêtre ». Véritable plat convivial, on peut désormais le préparer au fourneau de sa cuisine dans une simple poêle profonde. Ainsi, on n’est plus obligé d’aller à un restaurant pour savourer un tel délice. Avec la recette en vidéo (ci-dessous), vous aurez la preuve que la « paëlla mixta de pollo y marisco » n’est pas un truc sorcier !
En vidéo: la recette
En vidéo: la recette
Un plat du ''manger ensemble''
Un plat du ''manger ensemble''
Selon une Conférence-débat, intitulée « La paella dans le monde – Anthropologie historique d’un plat caméléon », animée par le duo Frédéric Duhart (Historien, EHESS Paris) et F. Xavier Medina (Anthropologue, Univ. de Barcelone), le 9 novembre 2005, à Agropolis Museum, la « paëlla » est un plat né d’une cuisine champêtre et demeure bien souvent un plat du « manger ensemble ».
Préparée, traditionnellement, en commun ou achetée en quantité à un traiteur, elle apparaît au menu de bien des repas associatifs, de nombreuses romerías. Cela n’est pas la seule facette de sa modernité, qui l’a vu aussi devenir un plat de fast-food à la préparation hyper rationalisée.
En effet, aux anciennes formules d’un plat dont la variabilité des ingrédients constitue un trait essentiel, d’autres sont venues s’ajouter, purs produits d’un nouvel esprit du temps: « paëlla de marisco » (paella aux fruits de mer), « paëlla mixta de pollo y marisco » (paella mixte de poulets et fruits de mer), « paëlla valenciana » (paella valencienne), « arroz negro » (paella au riz noir), « arroz con costra » (riz avec croute), « paëlla de verduras » (paella végétarienne), etc…
Les origines du mot ''paëlla''
Les origines du mot ''paëlla''
La « paëlla » est censée être une union parfaite entre deux cultures espagnoles: l’influence romaine à travers, la poêle et la civilisation arabe qui a remmené avec elle, le riz. Selon une légende gastronomique, le terme « paëlla » provient de l’arabe « al-baqaiya » (« البقايا ») qui désigne les restes. (1).
« Dans l’Espagne musulmane, domestiques et modestes travailleurs auraient confectionné un plat combinant les victuailles (riz, poisson, poulet) rescapées des banquets des puissants: la « paëlla » est née !»
Certes, cette version des faits est assez attractive, mais cette hypothèse semble être difficilement prouvable puisque les premières mentions du riz garni appelé « paëlla » dans la région de Valence n’apparaissent que six siècles après la conquête de celle-ci par Jacques Ier, en 1238 (2).
La véritable origine du nom porté par le célèbre riz garni s’enracine en fait dans la vie quotidienne des habitants de l’Espagne orientale du XIXe siècle:
« On appelle la poêle, à Valence et dans toute la région levantine, « paëlla ». De là le nom générique du riz à la valencienne qui se prépare en général dans le dit ustensile (3).».
Le nom de l’ustensile s’inscrit dans une longue filiation latine et même indo-européenne (4), mais il importe plus ici de constater que lorsque la « paëlla » est née, il désignait invariablement pour les populations de langue catalane tous les types de poêle (5) et son usage s’est progressivement spécialisé et adapté en Castillan:
« Aujourd’hui, le terme « paëlla » (6) s’emploie pour qualifier le type de poêle ronde et dotée d’anses qui est utilisé pour cuisiner la « paëlla ». En espagnol moderne, cet ustensile est également appelé « paëllera », par référence au plat de riz qu’il permet de cuisiner (7). ».
La définition du plat lui-même est assez délicate. Originellement, une caractérisation par les techniques employées pour sa réalisation s’imposait: un riz préparé sur un foyer ouvert dans une poêle était une « paëlla » et se distinguait nettement des riz de tradition plus ancienne cuits dans une casserole.
Cependant, au cours du temps, des riz cuisinés par d’autres voies que les techniques classiques ont été présentés et consommés comme des « paëllas ». Même si leur seule évocation suffit à soulever le cœur de certains gastronomes (8), nous les considérerons au côté des « paëllas » plus conventionnelles, car ils sont pleinement acteurs de l’histoire et de l’actualité de ce plat.
(1).- Buthaina Al Othman, « Origin of the word Paella »
(2). – L’une des premières mentions de paella apparaît en 1840 dans un journal valencien: Alan Davidson, The Penguin Companion to Food (1999), Londres et New York, Penguin Books, 2002, p. 679.
(3).- Angel Muro, Diccionario de cocina, Madrid, J. M. Faquineto, 1892, t. 2, p. 860.
(4).- Lourdes March, « The Valencian paella – Its Origin, Tradition and Universality. », The Cooking Pot. Oxford Symposium on Food & Cookery 1988, Londres, Prospect Books, 1989, p. 101-102.
(5).- En langue catalane: paella = poêle ; donc: » arròs fet a la paella » = riz poêlé).
(6).- Seulement en espagnol ; le mot en catalan s’utilise encore pour définir la poêle commune ( » sartén » en espagnol).
(7).- María Moliner, Diccionario de uso del español, Madrid, Gredos, t. 2, p. 534.
(8).- Xavier Domingo, Le goût de l’Espagne, Paris, Flammarion, 1992, p. 84.