Illustration: La Couverture du Courrier international N° 1699 / Photo de la Pizza : © Leonid Sneg/Getty Images
La pizza, les pâtes à la carbonara ou encore le parmesan sont autant de plats ou de produits célébrés comme appartenant à une tradition italienne ancienne et immuable. Mais pour le professeur Alberto Grandi, leur origine est largement mythifiée. Un pavé dans la mare à l’heure où la gastronomie est devenue un outil de soft power pour les États du monde entier. Une journaliste italienne du Financial Times a mené son enquête sur ce “gastronationalisme” transalpin.
Par Marianna Giusti / Financial Times (extrait), Londres
Parme est une ville calme la nuit. Mais l’homme qui est assis face à moi n’est pas tranquille pour autant, Il craint que notre conversation puisse être entendue. « Ici, ils me détestent », me souffle-t-il en jetant un œil furtif derrière lui. Mais la seule personne présente dans l’osteria est la serveuse, désœuvrée depuis qu’elle nous a servi nos bottoncini à l’osso buco.
Des arômes de moelle rôtie flottent au-dessus des assiettes. Une reprise de Valerie, d’Amy Winehouse, passe sur une radio lointaine. “Je peux dire tout le mal que je pense d’eux ?” lâche-t-il soudain. J’acquiesce. Après tout, il n’est pas là pour me parler de pratiques frauduleuses d’entreprises, mais pour me dévoiler toute la vérité sur le parmesan.
Ce soir, je dîne avec Alberto Grandi, universitaire marxiste, célèbre auteur de podcast et juré de la Coupe du monde du meilleur tiramisu, édition 2023 (“Je n’y renoncerais même pas pour un dîner avec le pape en personne”). Mais surtout, Grandi est un homme qui a consacré sa carrière à une mission : déconstruire les mythes qui entourent la gastronomie italienne. C’est la première fois aujourd’hui qu’il s’adresse à la presse étrangère.
Tout a commencé par un livre : Denominazione di origine inventata [“Appellation d’origine inventée”, inédit en français]. Dès sa parution, en 2018, l’ouvrage se vend comme des petits pains en Italie. Suivant le conseil de son ami Daniele Soffiati, Grandi décide alors d’en faire un podcast. Baptisé DOI, d’après le livre, il a été lancé en 2021 et a depuis totalisé pas moins de trois saisons et plus de 1 million de téléchargements. Un podcast où Alberto Grandi démolit les piliers de la cuisine nationale à coups d’affirmations subversives.
Ainsi, l’homme martèle que la plupart des Italiens n’avaient pas entendu parler de la pizza avant les années 1950, ou que le mérite de l’invention de la carbonara reviendrait aux Américains. Quant à certains “classiques” italiens, à l’image du panettone et du tiramisu, ils ne seraient en réalité que des inventions récentes.
Par ses paroles, Grandi secoue les fondations sur lesquelles, nous, Italiens, avons construit notre gastronomie. Une culture culinaire célèbre pour sa qualité et son inflexible rigidité, où le cappuccino est proscrit après midi et où les tagliatelles doivent mesurer exactement 7 millimètres de largeur.
Mais dans un pays où, selon certaines estimations, le puissantissime secteur de l’alimentation et des boissons pèse pour un quart du PIB, les critiques d’Alberto Grandi ont fait de l’universitaire une persona non grata dans certains milieux. Dans son podcast, il se plaît d’ailleurs à dire qu’il ne devrait sortir de chez lui qu’“accompagné d’un garde du corps, comme Salman Rushdie”.
Pour l’Italienne expatriée que je suis, entendre dire que notre cuisine, toujours célébrée pour sa sacro-sainte tradition, repose en réalité sur des mensonges, c’est un peu comme se voir dévoiler un innommable secret de famille. Un secret dont j’avais toujours soupçonné l’existence.
J’ai toujours détesté la hype qui entoure la cuisine italienne, de l’enthousiasme gênant de certains amis étrangers au pédantisme ridicule de mes compatriotes (comme cet ami napolitain qui refuse de toucher à une tomate au Royaume-Uni).
“Tout ça est une affaire d’identité”, me fait valoir Alberto Grandi entre deux bouchées de bottoncini. L’homme est un fervent admirateur d’Eric Hobsbawm, un historien britannique marxiste qui a théorisé le concept d’“invention de la tradition”. Mon compagnon de table s’explique : “Quand une communauté ne trouve plus rien à quoi s’identifier à cause d’un choc historique ou d’une rupture avec son passé, elle s’invente des traditions pour lui servir de mythes fondateurs.”
C’est ce qui est arrivé à l’Italie, avance Alberto Grandi, laquelle, entre 1958 et 1963, lors du “miracle économique”, a accompli des progrès comparables à ceux que le Royaume-Uni a réalisés en un siècle de révolution industrielle. “En très peu de temps, les Italiens sont passés du pain rationné à l’abondance.” Alors, le pays a eu besoin d’une identité pour l’aider à oublier ses luttes passées, et ceux qui avaient émigré en Amérique, eux, ont cherché des mythes qui donneraient de la dignité à leurs origines modestes.
Prenons l’exemple du panettone. Avant le XXe siècle, ce n’était qu’un pain plat et dur, fourré d’une poignée de raisins secs. Un pain des pauvres sans lien aucun avec Noël. Le produit que nous connaissons aujourd’hui, lui, est une invention industrielle que l’on doit à Angelo Motta.
Dans les années 1920, cet entrepreneur du nord de l’Italie lance une nouvelle recette de pâte. La “tradition” du panettone en forme de dôme voit le jour. Plus tard, dans les années 1970, face à la concurrence croissante des supermarchés, les boulangeries se sont mises elles aussi à fabriquer des panettones en forme de dôme. “Après un étrange voyage à rebours, le panettone est finalement devenu ce qu’il n’avait jamais été : un produit artisanal”, lit-on dans le livre d’Alberto Grandi.
Autre cas d’étude intéressant : le tiramisu. Si une ribambelle d’histoires allègrement fantaisistes tentent de masquer ses origines récentes, en réalité, ce dessert n’a fait son apparition dans les livres de recettes que dans les années 1980. Avant les années 1960, son ingrédient central, le mascarpone, ne se trouvait d’ailleurs guère en dehors de Milan.
Le parmesan, par contre, est lui remarquablement ancien, étant né il y a environ un millénaire. Soit.
De Parme au Wisconsin
Sauf qu’avant les années 1960, les meules de parmesan ne pesaient qu’une dizaine de kilos (contre une quarantaine aujourd’hui), et elles étaient recouvertes d’une épaisse croûte noire. Ce fromage plus gras et plus mou que l’actuel ressemble à s’y méprendre à un autre : “C’est exactement le même parmesan que celui que l’on produit aujourd’hui dans le Wisconsin.”
La théorie d’Alberto Grandi est la suivante : au début du XXe siècle, des immigrants italiens auraient commencé à fabriquer du parmesan dans cet État américain et, contrairement à la recette des fromagers de Parme, la leur n’a jamais évolué. Bref, alors qu’en Italie le parmigiano est devenu au fil des ans le fromage à la pâte dure et friable en meules géantes que nous connaissons, dans le Wisconsin, il est resté fidèle à l’original.
Son parcours est d’ailleurs emblématique : dans l’histoire moderne de la gastronomie italienne, bon nombre de routes mènent à l’Amérique. Et l’émigration massive vers les États-Unis a produit des mélanges si profonds que faire la distinction entre ces deux gastronomies est devenu une mission impossible. “La cuisine italienne est davantage américaine qu’italienne”, assène même Alberto Grandi. Et la pizza en est le meilleur exemple.
“Ces disques de pâte garnis d’ingrédients”, comme il les appelle, existent depuis des siècles dans toute la Méditerranée, mais lorsque les soldats italo-américains ont remonté la péninsule italienne, en 1943, ils écrivaient, incrédules, dans leurs lettres adressées à la maison : “Il n’y a pas de pizzerias ici.”
En effet, avant-guerre, m’explique mon convive, les pizzas ne se trouvaient que dans quelques villes du sud de l’Italie, où les classes les plus humbles les consommaient directement dans la rue, où elles étaient fabriquées. D’après ses recherches, le premier restaurant servant exclusivement des pizzas a d’ailleurs ouvert non pas en Italie, mais à New York, en 1911. “Pour mon père, dans les années 1970, la pizza était aussi exotique que les sushis le sont pour nous aujourd’hui”, renchérit-il.
Peu après ce dîner, je rends visite à ma grand-mère de 88 printemps, Fiorella Tazzini, dans sa maison toscane située dans la petite ville de Massa. Nous voilà à nouveau assises dans la cuisine de mon enfance, où lorsque ma grand-mère me servait des plats surgelés elles les accompagnaient d’un clin d’œil et d’une phrase : “Chut, ne le dis pas à ta maman !”
Elle se souvient : “Je devais avoir 19 ou 20 ans lorsque j’ai vu une pizza pour la première fois de ma vie. C’était à Viareggio, à une demi-heure de la maison. Ma première rencontre avec une mozzarella, c’était encore plus tard. Sans doute dans les années 1960 – ta mère était déjà née, un supermarché venait d’ouvrir à Massa.”
La mozzarella est originaire du sud de l’Italie, à des centaines de kilomètres d’ici. Pour en savoir plus, je décide donc d’appeler la grand-tante sicilienne d’un ami. Serafina Cerami, 95 ans, un brin sourde, répond immédiatement au téléphone. “Avant la guerre, nous mangions déjà beaucoup de mozzarella en Sicile !” me crie-t-elle à l’autre bout du fil.
En comparant ses souvenirs avec ceux de ma grand-mère, une évidence saute aux yeux. Ce sont les plats siciliens du dimanche (parmigiana d’aubergines, pâtes aux sardines, cannoli) qui se sont imposés dans le temps, et ce grâce aux Italiens du Sud qui ont peuplé les Little Italy des quatre coins des États-Unis. Ma grand-mère, elle, a été élevée aux tordelli alla massese (gros raviolis avec une farce et une sauce à la viande) et aux cappelletti in brodo (sortes de tortelli servis dans un bouillon de volaille).
Malgré ces différences, avant-guerre, Serafina Cerami, en Sicile, et ma grand-mère, en Toscane, se souviennent toutes deux avoir surtout mangé des légumes secs et des pommes de terre en quantité industrielle. Certainement pas des ingrédients que l’on associe communément à la cuisine italienne.
Pourtant, aux yeux d’Alberto Grandi, il est une histoire qui résume mieux que toute autre le concept d’“invention de la tradition” forgé par Hobsbawm. Celle de la carbonara. Pour en savoir plus sur cette star nationale, j’appelle Bernardino Moroni, grand-père d’un ami romain, 97 années d’existence derrière lui. “Les pâtes, on n’en mangeait que le dimanche”, me raconte-t-il depuis sa maison de Morlupo, non loin de Rome, connecté en appel vidéo. Les repas de son enfance? Ils étaient principalement composés de soupes, de haricots secs et de légumes du potager familial, se souvient-il.
Quand je l’interroge sur la carbonara, ce prétendu emblème de la cuisine romaine, il détourne le regard de la caméra. “Une fois par an, peut-être, nous mangions de l’amatriciana [sorte de carbonara à la sauce tomate] – seulement quand nous pouvions nous permettre de tuer un cochon. Mais, avant la guerre, je n’avais jamais entendu parler de carbonara.”
Peut-être, comme l’explique l’historien de l’alimentation Luca Cesari, auteur de La Véritable Histoire des pâtes, parce que la carbonara est “un plat américain né en Italie”. Une recette qui n’a vu le jour qu’après la Seconde Guerre mondiale, selon la plupart des experts, grâce à un chef italien, Renato Gualandi, qui l’a pour la première fois préparée en 1944, à l’occasion d’un dîner préparé pour l’armée américaine.
“Ils avaient du bacon fabuleux, de la très bonne crème, du fromage et des jaunes d’œuf en poudre”, racontera Gualandi par la suite. Le mythe selon lequel la carbonara aurait été la nourriture des charbonniers italiens du XVIIIe siècle est donc sans fondement, dénonce Luca Cesari dans son livre. Pour les Italiens nés après le boom économique, la sauce carbonara se compose d’une liste d’ingrédients gravée dans le marbre : guanciale [lard prélevé dans la joue du porc], pecorino romano, œufs et poivre.
Pourtant, les premières recettes, elles, étaient étonnamment variées. La plus ancienne que l’on connaisse, imprimée en 1952 à Chicago, comprend par exemple de la pancetta [poitrine de porc salée] en lieu et place du guanciale. À cette même époque, les recettes italiennes incluaient toutes sortes d’ingrédients depuis le gruyère jusqu’au prosciutto [le jambon cru], en passant par des champignons émincés. Néanmoins, c’est la sauce carbonara qui suscite aujourd’hui le dogmatisme le plus extrême. Et tout écart de la ribambelle de règles qu’il faudrait impérativement suivre pour la préparer devient une question d’importance nationale.
Comme une preuve de cette intransigeance, en 2015, le village d’Amatrice [d’où viendrait la sauce amatriciana] a publié une déclaration officielle pour corriger le chef étoilé Carlo Cracco. Celui-ci avait confessé mettre de l’ail dans son amatriciana. “Nous sommes convaincus que c’était une erreur et qu’il ne pensait pas à mal”, avait-on concédé depuis la mairie.
Voilà qui pourrait faire sourire, mais ce zèle puriste a aussi sa face sombre, et l’archevêque de Bologne, Matteo Zuppi, pourrait en témoigner. En 2019, cet homme d’Église avait proposé d’ajouter des tortellinis sans porc au menu de la fête du saint patron de la ville. Ce qui se voulait un geste d’ouverture, une invitation aux citoyens musulmans à participer aux festivités, avait provoqué la colère de l’extrême droite. “Ils essaient d’effacer notre histoire, notre culture”, s’était emporté à l’époque le chef de file de la Ligue, Matteo Salvini.
Alberto Grandi était alors intervenu pour rappeler que, jusqu’à la fin du XIXe siècle, il n’y avait pas de porc dans les tortellinis, et le président du Consortium des tortellinis de Bologne (voilà une fonction qui ne s’invente pas !) avait confirmé ses dires. “C’est la raison pour laquelle je fais ce que je fais, clame Alberto Grandi, pour montrer que ce que nous considérons comme des traditions n’en sont pas.”
Par les temps qui courent – tout comme l’étaient les jeunes femmes et le football à l’ère de Berlusconi –, la cuisine italienne est un grand leitmotiv des politiciens de droite.
Lors de la campagne électorale de 2022, par exemple, la Première ministre Giorgia Meloni a posté sur TikTok une vidéo dans laquelle une vieille femme lui apprend à façonner des tortellinis à la main. En mars, son ministre de l’Agriculture, Francesco Lollobrigida, est, lui, allé jusqu’à proposer de créer un groupe de travail pour contrôler les normes de qualité des restaurants italiens du monde entier. Voilà ce que l’homme redoute par-dessus tout : que des chefs ne se fourvoient dans les recettes ou emploient des ingrédients qui ne seraient pas véritablement italiens. Et mieux vaut faire attention, puisqu’une liste officielle recense actuellement pas moins de 4 820 “produits alimentaires traditionnels” dans la Botte.
Essayez maintenant de chercher Salvini mangia (“Salvini mange”) sur Google Images. Vous obtiendrez un kaléidoscope de photos de l’ancien ministre de l’Intérieur : Salvini engloutissant des spaghettis, Salvini tout sourire avalant une pizza gigantesque, Salvini en tablier inspectant des rangées et des rangées de jambons entiers, Salvini pointant le pouce vers le haut devant des cannoli siciliens. Et j’en passe. Ces politiciens saisissent pleinement la puissance de ce qu’Alberto Grandi appelle le “gastronationalisme”.
Qui se soucie de savoir si ces pseudo-traditions reposent sur des mensonges, sur des recettes imaginées par l’industrie alimentaire ou importées du Nouveau Monde ? Il n’y a rien de plus réconfortant qu’une mamma qui prépare des tortellinis. Mais il n’en est pas toujours allé ainsi.
“Nos grands-parents savaient que c’étaient des mensonges, me lance mon compagnon de table, en finissant son prosecco. L’intérêt que l’on porte à la provenance des ingrédients est très récent.”
Avant, “leur tradition, c’était d’essayer de ne pas mourir de faim”. Quand je lui demande si cette obsession pour la cuisine nationale est née avec les baby-boomeurs comme lui, il rit : “En effet, comme pour tant d’autres choses, c’est encore notre faute !”
D’un autre côté, croire aveuglément avoir de vieilles traditions à défendre, que ce soit dans notre pays ou ailleurs, est aussi rassurant. Pour s’en convaincre, il suffit de jeter un œil aux consommateurs du monde entier, qui applaudissent les maestros de la cuisine italienne lorsqu’ils concoctent livres, podcasts et émissions de télévision en tous genres dans une quête souvent obsessionnelle d’“authenticité”.
Caricature
En 2010, le chef italien Gino D’Acampo fustigeait la présentatrice de télévision britannique Holly Willoughby pour avoir osé affirmer que l’on peut cuisiner une sauce carbonara avec du jambon. La vidéo de cette “altercation” est devenue virale, et pour cause. Nous tous aimons et détestons à la fois cette caricature du chef italien dont le purisme tourne à l’obsession.
Et quid des entreprises qui ont bâti leur activité sur le mythe d’une tradition culinaire ancestrale épargnée par les modes de la modernité? Il existe même des voyagistes qui organisent des ateliers de cuisine avec des mamies italiennes, chez elles, sur leurs fourneaux. Mais pareille obsession de la tradition ne peut être que réductrice, et Alberto Grandi ne le sait que trop bien. Au fond, une tradition n’est rien d’autre qu’une innovation qui a eu du succès.
Ma grand-mère me demande si je n’ai pas apprécié ses petits gâteaux. Je n’en ai mangé qu’un seul. Elle me propose alors d’autres options, du panforte [gâteau aux fruits secs], du torrone [sorte de nougat apparenté au turrón espagnol], des biscotti aux amandes. Puis elle se lève lentement et, dans le placard où est rangée la vaisselle, elle attrape un livre de cuisine datant de 1967. Nous le feuilletons ensemble.
Des salades colorées d’orechiette avec du basilic, des pignons de pin et des tomates cerises ; des monticules sculpturaux de spaghettis servis avec des boulettes de viande. Tout comme les recettes de pâtes à la carbonara des années 1960, celles-là aussi sont généreuses et libres de règles strictes.
Je perçois sur ces pages l’excitation insouciante et débonnaire d’une nation qui a réussi à grandir. Un pays qui a troqué les tickets de rationnement et les bombes pour le plan Marshall, les Vespas et les pizzas à la mozzarella di bufala.
Un jour, dans les années 1980, dans cette même maison, à la demande de mon oncle, ma grand-mère avait servi des lasagnes à des hôtes anglais de passage. Elles étaient sorties du congélateur, me confesse-t-elle. À l’époque, la vie de Fiorella était bien remplie et, de toute façon, elle n’avait aucun scrupule à servir un plat cuisiné du supermarché. Pendant la guerre, on n’aurait jamais osé rêver d’un tel luxe.
Ce jour-là, aucun des invités n’avait soupçonné qu’elles n’étaient pas confectionnées par la maîtresse de maison en personne. Tout le monde était aux anges, y compris son Italien de fils. Fiorella finit de me raconter cette histoire. Puis elle lève son regard vers moi et me fait un clin d’œil.
M.G.
Article publié le 23 mars 2023
CONTREPOINT
La presse italienne crie à la “provocation”
Le moins que l’on puisse dire, c’est que cet article du Financial Times n’est pas passé inaperçu de l’autre côté des Alpes. “Un assaut contre la cuisine italienne”, commente le quotidien conservateur Il Giornale, qui qualifie les théories d’Alberto Grandi de “provocations”. “Une destruction des mythes” culinaires transalpins, ajoute le site d’information progressiste Fanpage. Du côté de La Stampa, on relaie la réaction de Coldiretti, principale association d’agriculteurs italiens, qui parle “d’une attaque surréelle, [qui ferait] sourire si elle ne comportait pas des dangers pour l’économie”. Le journal libéral invite les Italiens à ne pas craindre les attaques d’un journal d’outre-Manche qui chercherait à “créer la tempête parfaite pour attaquer l’Italie”. Mieux vaut contre-attaquer en consommant “un bon plat de spaghettis à la sauce tomate, agrémenté de ce parmesan que le monde entier envie” à l’Italie.