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Si la bonne chère réunit bons vivants et bons compagnons, l’art culinaire exprime, comme pour les autres arts, l’acquisition d’une qualité de vie et de culture. Or, la civilisation arabe, depuis l’époque païenne dans la péninsule Arabique et la Mésopotamie, n’y échappe pas.
Du golfe arabo-persique jusqu’à l’océan atlantique, la gastronomie dans tous ses aspects a toujours été non seulement une affaire sérieuse dans nos contrées, mais aussi un marqueur géographique et identitaire.
Le corollaire de cet intérêt est un lexique assez riche dans le domaine de la cuisine, de la culture alimentaire et de l’art de la table dans son ensemble, qui va considérablement s’enrichir au fur et à mesure des conquêtes arabes (la région levantine, l’Égypte, le Maghreb, l’Asie centrale et le sous-continent indien) et du contact avec les vieilles civilisations (perse, berbère, romaine, byzantine, etc.) et les communautés religieuses (juifs, coptes et orthodoxes). On parle même de cuisines andalouse (péninsule ibérique) et ottomane (turque).
Très tôt, les Arabes ont composé des traités de cuisine. Et les premières mentions relatives à la nourriture dans la civilisation arabo-islamique se trouvent dans le Coran où Dieu incite ses fidèles à manger les excellentes nourritures qu’il leur a accordées.
Toutefois, c’est à Bagdad, à la cour califale des Abbassides que se développa un art de la gastronomie au IXe siècle:
- « Kitab al-Tabikh » de Ibrahim ibn al-Mahdî donne 40 recettes conservées qui vont être prises comme modèle.
- « Kitab al-Tabikh » (615 recettes) de Ibn Sayyar al-Warraq donne une idée de la variété des inspirations cette cuisine avec les influences perse, bédouine, égyptienne et proche orientale dans le 10e siècle.
- Et l’école de Bagdad produira encore au XIIIe siècle, le « Kitab al-Tabikh » de Muhammad bin Hasan al-Baghdadi (161 recettes).
Dans la péninsule ibérique, les Andalous nous ont laissé des livres qui décrivent la cuisine aristocratique et les cuisines populaires:
- «Fudalat al-Khiwan fi Tayibat at-Tàam waal Alwan» (les délices de la Table et les meilleurs genres de mets, 428 recettes) est un traité de gastronomie médiévale de l’Occident musulman de 428 recettes. Son auteur porte le nom de Abu Ali ibn al-Hassan ibn Razin Tujibi. Le livre présente au-delà des recettes culinaires, des ingrédients alimentaires, un genre de vie, une quotidienneté dans un monde méditerranéen traversé d’Est en Ouest et du Nord au Sud par des allers et retours, des flux et reflux de populations véhiculant savoir, culture et traditions. Le livre semble avoir été rédigé entre 636H/1238 et 664H/1266. C’est-à-dire entre la date de la perte de Valence, reconquise par les Chrétiens et celle de la prise de Murcie à l’époque de Jacques 1er.
- Et « Kitab al-Tabikh », de l’Anonyme Andalou (521recettes dont les sirops et boissons).
Une seconde école succède aux andalous immigrés, celle du Caire avec 3 livres incontournables:
- « Kitab al Waslat », traditionnellement attribué à Ibn al-Adim (700 recettes),
- « Kanz al-fawāʾid Fi Tanwi’ Al-Mawa’id », auteur inconnu (830 recettes),
- « Zahr al-ḥadīqa fī al-aṭʿima al-anīqa » de Shihāb al-Dīn Aḥmad Ibn Mubārak Shāh (332 recettes).
- Et sous l’influence cairote « Kitâb al-tibâkha », un ouvrage attribué à Ibn al-Mabrad ou Mubarrad (55 recettes conservées) publié à Damas.
Une chose est sûre, l’alimentation est un sujet qui concerne toutes les disciplines. L’anthropologie alimentaire, la sociologie, la nutrition, l’agriculture, la botanique, mais aussi la médecine ou la chimie, etc. sont tout autant des disciplines impliquées par le sujet.
Devant une telle richesse du patrimoine culinaire arabe, la fédération tunisienne des restaurants touristiques (F.T.R.T.) — en collaboration avec l’association tunisienne des professionnels de l’art culinaire (A.T.P.A.C.) — s’est donnée le défis d’organiser la première édition des journées culinaires arabes à la cité de la culture à Tunis les 1er et 2 février 2023.
« Cette manifestation se veut une action promotionnelle au profit de la gastronomie tunisienne et arabe et qui contribue à la valorisation de ce patrimoine considérée comme un levier essentiel d’attractivité touristique pour les destinations. », lit-on dans un communiqué de presse de la F.T.R.T. « Au-delà du volet de l’exposition et de la découverte ce journées seront marquées, coté réflexion par l’organisation d’un colloque portant sur le patrimoine culinaire arabe : «Richesse et diversité au service du tourisme interarabe », précise l’ONG tunisienne.
Il est à signaler que cet évènement consacré au patrimoine culinaire arabe se tiendra sous le patronage du ministère du Tourisme et le concours du ministère des Affaires étrangères et des tunisiens à l’étranger et du ministère de la Culture et la participation des ambassades des pays arabes accréditées en Tunisie ainsi que le gouvernorat de Tunis.
Enfin, ces journées auront également des ambitions futures :
- La création de l’union arabe des restaurants touristiques et la sauvegarde du patrimoine culinaire,
- Et une académie de formation dans les arts culinaires.
Ces deux structures devraient voir le jour, selon le communiqué de presse la F.T.R.T., sous le chapiteau de l’organisation arabe du tourisme (O.A.T.) basée en Arabie Saoudite, dont le président Bander ben Fahd al Fahid devrait être au rendez-vous durant cette première édition des journées culinaires arabes.
Ça promet…, comme en témoigne le programme fignolé par la fédération tunisienne des restaurants touristiques !
Le programme
Les panels