Crédit photo: Simon MAINA / © 2022 AFP
Dieuveil Malonga aime les grands-mères. La sienne, qui au Congo lui a transmis la passion de la cuisine, et celles qu’il a rencontrées à travers tout le continent, pour apprendre d’elles les secrets de la gastronomie africaine.
Ce chef congolais, passé par l’Allemagne et la France, puise dans leurs savoirs traditionnels pour créer sa cuisine « afro-fusion », remarquée ses dernières années.
« Je voyage dans différents pays, j’apprends des grands-mères et ensuite je prends ces vieilles recettes et je les amène dans mon laboratoire ici et j’essaie, avec mes chefs, d’y amener une touche de modernité », explique-t-il à l’AFP quelques minutes avant l’heure du coup de feu dans son restaurant de Kigali, au Rwanda.
De ses périples dans 38 pays d’Afrique, le chef âgé de 30 ans ramène des techniques, comme le boucanage ou la fermentation, mais aussi des épices et condiments. Petits piments de Côte d’Ivoire, noix de pèbè du Cameroun et autres chenilles mbinzo du Congo occupent un mur entier de son restaurant.
Si l’afro-fusion existe depuis « très, très longtemps », le calme et discret Malonga reconnaît avoir contribué – aux côtés d’autres chefs comme le Sénégalais Pierre Thiam – à mettre l’Afrique sur la carte des foodies du monde entier.
« Il se passe quelque chose maintenant en Afrique, et les gens s’intéressent à mieux connaître la cuisine africaine », assure celui qui a cofondé la plateforme « Chefs in Africa », regrettant que cette gastronomie soit souvent réduite « au riz, mafé, (poulet) yassa ».
« Il y a une immense diversité. Prenons l’exemple du Nigeria (…) en une journée vous pouvez manger plus de 20 » types de plats.
« Business class »
Dieuveil Malonga est né près de Brazzaville, en République du Congo, où, malgré le décès de ses parents, il vit « une enfance très heureuse au sein d’une communauté très solidaire », souligne son site internet.
A 13 ans, il est accueilli en Allemagne dans la famille d’un pasteur et intègre une école renommée de cuisine, à Münster.
« J’aime manger, je mange tout le temps », justifie-t-il en riant. « Je viens d’une famille qui aimait et qui célébrait la nourriture ».
Diplômé et remarqué lors de concours, il travaille dans plusieurs restaurants allemands, dont le triple étoilé au guide Michelin Aqua de Wolfsburg, puis en France, à l’hôtel Intercontinental de Marseille. Mais quelque chose « manque », alors Malonga part voyager deux ans en Afrique. « La clé de ce qui m’arrive aujourd’hui », explique-t-il.
Tombé amoureux du Rwanda, un pays vallonné et fertile au climat très doux, il y ouvre en 2020 Meza Malonga. La « table de Malonga », en kiswahili, attire une clientèle de locaux aisés, expatriés et touristes – pour une addition totale d’environ 130 euros.
Ce jour-là, le menu en 10 plats offre notamment un thon mariné à la patate douce, des crevettes à la poudre de manioc et une espuma de café avec crumble de cacahuètes.
Passionné de produits, le chef aime à déambuler dans les allées de la ferme de Nyamata, à une heure de Kigali, où il s’approvisionne en herbes aromatiques et fleurs comestibles. Une « chance », qu’il n’aurait pas en Europe, admet-il, goûtant ici et là quelques feuilles et posant mille questions à la propriétaire Laura Tomini.
Très fière de voir « des étoiles dans ses yeux » quand il récupère ses produits, Laura s’émerveille de la qualité du restaurant, où elle a eu l’occasion de diner.
« Ça donne le sentiment d’être en business class », sourit-elle en évoquant les plats, mais aussi le service.
Pince à épiler
D’ici 2023, Dieuveil Malonga veut aller « plus haut, créer quelque chose de grand » en ouvrant dans la région très rurale de Musanze (nord), aux pieds des volcans des Virunga et de leurs célèbres gorilles, un nouveau restaurant.
Plus haut de gamme, plus cher, le deuxième Meza Malonga se voudra à la fois « une expérience » et un « village d’innovation culinaire », où l’essentiel des aliments seront produits sur place, mais aussi un centre de formation.
A Kigali, Malonga travaille avec dix jeunes cuisiniers, essentiellement rwandais mais aussi burundais, ougandais, tanzaniens, qui, tout en préparant la salle ou en dressant méticuleusement les assiettes – à la pince à épiler – louent sa capacité à se mettre en retrait et « autoriser à créer ».
A Musanze, le chef-apprenti souhaite en former beaucoup plus, recrutés à travers le continent, pour continuer la transmission.