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ENTRETIEN | Dans son dernier livre, à paraître jeudi, le Dr Jean-Michel Cohen, l’un des ténors de la nutrition en France, dresse la liste des bienfaits pour notre organisme de chaque type d’aliments.
Propos recueillis par Philippe Lemoine / Ouest-France, Rennes
Nourrir sa santé est votre 30e livre sur le thème de la nutrition ! Le sujet est inépuisable ?
Il est surtout fondamental et me passionne toujours autant. Quand j’étais étudiant en médecine, j’ai délibérément choisi d’aller vers la nutrition, ce qui a surpris mes camarades de promo, car mon classement me permettait d’autres choix considérés comme plus « nobles ». Depuis la publication de mon premier livre, Savoir maigrir, en 2002, le succès auprès du grand public ne se dément pas. Nous avons tous besoin de comprendre ce qui est bon pour nous.
Qu’est ce qui vous a poussé à écrire sur les propriétés des aliments ?
On entend partout, « l’aliment est votre premier médicament »… OK, mais concrètement, comment ça marche ? Chaque année, on voit surgir des produits à la mode dont le marketing vante les mérites, des graines de lin à la goyave, en passant par la poudre de baobab… Le risque est de suivre aveuglément ces pseudos recommandations sans savoir si c’est vraiment efficace et pourquoi ça marche… Bien souvent, pour en retirer de vrais bénéfices, il faudrait en consommer 500 g par jour !Le but de ce livre est de montrer l’impact de groupes d’aliments sur les grands facteurs de notre organisme.
Quels sont ils ?
Dans le livre, je les divise en cinq grands chapitres : le microbiote (comprenez la flore intestinale), le système vasculaire, l’immunité, les cellules souches, le code génétique. À chaque fois, je montre comment des groupes d’aliments sont efficaces pour protéger et renforcer notre organisme.
Vous évoquez l’influence du microbiote sur notre santé physique et psychologique.
Oui, depuis quelques années, on en mesure l’importance. Il peut s’avérer déterminant dans l’apparition de certaines maladies, de la sclérose en plaques à certains cancers. Quelques aliments comme le gouda et la mimolette sont très bons pour le microbiote en raison de leur fermentation et des bactéries qu’ils contiennent. Les pousses de bambou également. En ce qui concerne le renouvellement cellulaire, le thé noir peut se montrer efficace.
L’alimentation est une véritable alchimie ?
Chaque jour, un homme mange environ quatorze à quinze aliments différents. Chacun des produits contient entre vingt et deux cents molécules différentes. Mieux vaut savoir en fonction des âges de la vie et des problèmes de santé ce qui peut être le plus bénéfique. C’est l’objectif de ce livre, sans me faire passer pour un gourou de l’alimentation qui va soigner les cancers ou vous faire rajeunir !
Qu’est-ce qui vous permet d’affirmer les propriétés de tels ou tels aliments ?
Dans tous les endroits du monde, et particulièrement en Asie, il existe des laboratoires de recherche en nutrition qui travaillent sur les vertus des aliments. En 2016, des études ont par exemple montré que deux bactéries présentes dans l’intestin augmentaient l’efficacité des chimiothérapies. Le livre se base sur toutes ces études qui sont sourcées.
Le corps humain est prévu pour vieillir et mourir, il n’existe pas franchement de recettes miracles…
On naît avec une date de péremption. Le but du jeu est de prendre soin de soi pour aller jusqu’au bout de cette espérance de vie. Sans que cela ne devienne obsessionnel non plus. Et tout n’est pas mauvais, cela dépend du dosage. Le vin et la bière ont aussi des vertus. Tout comme le cidre, qui est très bon pour le microbiote. La palette d’aliments que je cite dans le livre est très large.
Dans la vie quotidienne, où l’on n’a pas forcément le temps de faire les courses et cuisiner, comment fait-on ?
Les recettes que l’on donne sont assez simples… Le livre est là pour aider à adopter de nouveaux comportements par rapport à l’alimentation. Cela fait partie d’une forme d’éducation.
Vous, à titre personnel, vous faites très attention ?
Oui, j’ai été un enfant gros, très nourri par sa maman, qui pensait que l’amour passait par les aliments… Le premier régime que j’ai fait était complètement absurde. À la suite d’un chagrin d’amour, j’avais décidé de maigrir, je mangeais un steak, une pomme, un steak, une pomme… À partir de ce moment-là, je me suis surveillé toute ma vie.
Le manger sain et local fait un retour. Cela va dans votre sens ?
En 2007, après le succès de mon livre Savoir manger, j’avais été auditionné au Sénat. Je leur disais, qu’à terme, la population se partagera en deux groupes. Le premier sera composé de ceux qui voudront manger plus sainement et plus proche de la nature. Le deuxième sera fait des hommes robots, qui absorberont, à l’intérieur d’une boîte en métal, les nutriments essentiels à leur alimentation.
Et puis il y a ceux qui faute de temps, de goût, d’éducation se contentent des plats préparés qui inondent les rayons des supermarchés…
Oui, mais vous noterez que la grande distribution souffre aujourd’hui. Et que les plats préparés sont dans une ligne descendante. Même si les normes d’hygiène n’ont jamais été aussi fortes, il existe une angoisse face à l’alimentation. C’est pour ça qu’il faut savoir ce que l’on mange, la nature des aliments. C’est sain et rassurant.
Ph.L.
— Article publié le 23 août 2020