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Depuis 2016, à chaque Fête de l’harissa et du piment, les années se suivent et se ressemblent dans la cité des potiers, Nabeul.
Malheureusement, ce festival organisé par l’Association pour la sauvegarde de la ville de Nabeul (A.S.V.N.) en collaboration avec l’Association tunisienne des professionnels de l’art culinaire (A.T.P.A.C.) peine à se renouveler pour ne pas dire qu’il fait du surplace avec pratiquement aucune évolution.
En effet, ce sont les mêmes visages, les mêmes artisans et les mêmes protagonistes qui occupent depuis trois ans le patio central de Dar Sidi Ali Azzouz, rebaptisée Dar Nabeul.
Tout le monde se souvient de la réussite de la deuxième édition de cette Fête de l’harissa et du piment quand les organisateurs ont réussi le pari de concocter un programme riche et varié (Harissa Tour, shows cooking, conférences scientifiques de haut volet, expositions de produits artisanaux, etc.), et surtout donner une dimension internationale à ce rendez-vous, en invitant des pays réputés ayant de fortes traditions culinaires liées au piment comme la Corée du Sud avec leur fameux Gochujang (une soupe de pâte de piment fermenté) ainsi que la Hongrie, la Croatie et la Serbie à travers leur Paprika.
Mais voilà, depuis 2016, la Fête de l’harissa et du piment à Nabeul est de plus en plus insipide offrant à ses visiteurs du réchauffé et un air de déjà-vu: des conférences à dormir debout dont le un contenu est assez superficiel et parfois animé par des amateurs de la tchatche — parfois des profanes dépourvus de background scientifique et de qualifications académiques — , des shows cookings avec aucune recherche ou innovation gastronomique, des troupes folkloriques enchainant les fausses notes musicales et une parade de chefs pour satisfaire l’ego surdimensionné de nos Marmitons et Cuistots, des animations très scolaires et sans valeur ajoutée (Ex: des Boys Scouts mangeant les mains liés un plat de macaroni pimenté ou le concours insipide de plats à base de piment ou d’harissa préparés par des ménagères triées au volet) et des variétés d’harissa classiques sans aucune touche créative, à l’exception de l’artisan Imed Attig et les produits de sa marque « Terroirs de Tunisie » qui demeurent la seule lumière dans la grisaille.
Mais que faut-il faire pour booster cette fête si chère aux Nabeuliens et lui donner un rayonnement international?
Primo, il est temps d’envisager un espace plus grand que Dar Nabeul, un « open space » capable d’accueillir plus de monde au lieu d’entasser les Festivaliers dans le petit patio du siège de l’ASVN. Et pourquoi pas ne pas envisager un retour aux sources: dresser le chapiteau de cette Fête dans l’emplacement de l’ancien « Souk el-Felfel » (ex-marché du piment) pour la symbolique des lieux ou bien aménager des stands sur les pavés de l’esplanade de la Cité, à l’avenue Habib Bourguiba, sur le tronçon séparant la Jarre et la Foire de Nabeul?
Secundo, à quand des partenariats, des échanges et des jumelages avec des festivals internationaux partageant la même thématique. Je cite par exemple la célèbre Fête du piment d’Espelette, l’une des plus belles fêtes du Pays basque et Béarn en France, au cours de laquelle les cultivateurs peuvent présenter leur production et les restaurateurs composer des plats exceptionnels exclusivement agrémentés avec des piments.
D’ailleurs, la tradition veut qu’on peut apprécier, lors de cette fête du piment d’Espelette, une messe solennelle en langue basque avec bénédiction des piments, une procession des confréries, une cérémonie d’intronisation dans la confrérie avec remise du Prix Piment, des concerts de bandas, des jeux de force basque, une partie de pelote à mains nues, et enfin participer à de grands banquets champêtres. Aussi des ventes de piments (en guirlandes ou en poudre) et de produits régionaux lors d’une grande foire gastronomique. La renommée de cette Fête a poussé la première dame française, Brigitte Macron à programmer une visite pour faire découvrir à ses homologues le village d’Espelette lors du dernier Sommet du G7 à Biarritz.
Outre la fête du piment d’Espelette, sous d’autres cieux, nombreux sont les évènements dédiés à sa majesté le piment. On cite par exemple: le festival de Ningxiang (province du Hunan, Chine), le festival de Lijiang (province Yunnan, Chine), le Festival bières et piments forts (Saint-Paul-d’Abbotsford, France), le « Pepper Festival & Hot Sauce Expo » (Auburn, Californie, États-Unis), le « Pepper festival » (Pittsboro, Caroline du Nord, États-Unis), le « Hot Pepper Festival » (Palestine, Texas, États-Unis), le « Chile Pepper Festival » (Brooklyn, New York, États-Unis), le « Bosque Chile Festival » (Valencia, Nouveau-Mexique, États-Unis), le « Palizzi Farm Corn and Chile Festival » (Brighton, Colorado, États-Unis), le « Chile & Frijoles Festival » (Pueblo, Colorado, États-Unis), le « Brighton Chile Fest » (ex-Denver Chile Fest, Colorado, États-Unis), la « Santa Fe Wine & Chile Fiesta » (Nouveau-Mexique, États-Unis), etc.
Nous vivons à l’ère de l’internet et des nouvelles technologies de communication. Donc prendre contact avec les organisateurs de ces festivals n’est pas la mer à boire.
Tertio, au lieu de rester prisonnier de conférences soi-disant scientifiques et des animations folkolriques qui nous renvoient à l’époque novemberienne, pourquoi les organisateurs de cette fête ne travaillent pas sur un label d’Appellation d’origine contrôlée (AOC) d’intégration géographique protégée de la variété fixée et traditionnelle du piment « El Maâmouri » ou des différents types d’harissa (traditionnelle crue ou cuite à la vapeur) ?
Quatrièmement, pourquoi ne pas faire appel à des gargotiers locaux/régionaux (El Bahi, Sfia, Hassen Harigua, Samir, Salem Ben Sassi, Taoufik et autres) pour vendre sur place le fameux labalbi et autres spécialités de la cuisine de rue made in Tunisia à base d’harissa, de « slata méchouia » (une sorte de chutney de piments, tomates et ails grillés) et de piments frits: le plat tunisien, le casse-croûte tunisien, des fricassés ou du keftaji?
Et si on lançait un concours national ou pour être plus ambitieux un championnat du monde des spécialités de la « Street food » tunisienne, intitulé « Thédore Awards » ou « Tudor Awards » (en hommage à l’enfant du bled, feu Théodore Chiche, alias « El-Otri ») et présentant plusieurs catégories: le prix du « meilleur gargotier », le prix du meilleur « Lablabi à la mode judéo-nabeulienne », le prix du meilleur « lablabi classique », le prix du meilleur « lablabi revisité », le prix du meilleur « plat tunisien », le prix du meilleur « sandwich tunisien », le prix du meilleur « keftaji » et le prix du meilleur « fricassé »?
Cinquièmement, quel est l’impact de la Fête de l’harissa et du piment sur l’activité touristique à Nabeul? Dans d’autres contrées, les organisateurs de ce genre de festivals coordonnent étroitement avec les autorités locales (conseil municipal) ou régionales (le gouvernorat) ainsi que les voyagistes pour inscrire cette activité dans les circuits touristiques. Pourquoi ne pas se mettre sur la même table avec la Fédération tunisienne des agences de voyage (FTAV), la Fédération tunisienne de l’hôtellerie (FTH), l’Office national du tourisme tunisien (ONTT), l’Office national de l’artisanat tunisien (ONAT) et le ministère tunisien du tourisme et de l’artisanat pour mettre un plan de communication par le biais d’affiches et des dépliants promotionnels à distribuer chez les Tours opérateurs et les agences de voyage à l’étranger pour mettre en exergue ce festival? Par exemple, nos voisins algériens raffolent de l’harissa nabeulienne: alors pourquoi ne pas faire de ce filon l’un des leviers de notre offre touristique culturelle? On ne compte plus le nombre des bus provenant du pays de l’Émir Abdelkader. Alors qu’est-ce qu’on attend pour agir dans ce sens?
Enfin, à quand des rencontres BtoB (Business to business), des ateliers favorisant la semi-industrialisation de la fabrication et l’emballage de l’harissa, des concours gastronomiques (cuisine et pâtisserie) et développer la niche de l’harissa peut offrir à plusieurs jeunes de la région la possibilité de lancer des projets pour fabriquer et commercialiser un produit de qualité?
Bref, que des idées pour sortir cette fête de l’harissa et du piment des sentiers battus.