CP: La couverture du livre
En Tunisie, la parution d’un nouveau livre est toujours perçue comme une lumière dans la grisaille, une lueur d’espoir dans un environnement de plus en plus morse, où il n’y a que du pourri qui fleurit. Et que dire alors, s’il s’agit d’un ouvrage de cuisine et non des moindres (Dieu sait combien on manque de ce genre de livres, malheureusement !)… Un livre voulant rendre à la gastronomie tunisienne ses lettres de noblesse à travers une approche peu orthodoxe où l’intimité d’un ensemble de lettres de correspondance viennent se greffer à notre riche patrimoine culinaire (chrétien, juif et musulman).
Épaulé par Lizzie Brami et Ghassen Nafti, Gilles Jacob Lellouche — l’enfant prodigue de la Goulette et fils de l’inoubliable Mamie Lily — nous plonge dans plus de 200 pages à travers son livre « Lettres de Noblesse de la gastronomie tunisienne » (Éditions Dar El Dhekra, 2019): un document mettant en relief non seulement les délires de ses délices, mais aussi l’image d’une Tunisie plurielle comme en témoigne sa propre préface (voir ci-dessous).
Outre la cuisine de son enfance, Jacob comme l’aiment l’appeler ses voisins à La Goulette et ses deux partenaires de la plume nous font voyager dans les récits des lettres de trois amies: Jeanine (une juive tunisienne résidant à Paris), Jalila (une Tunisienne musulmane) et Rita (une citoyenne tunisienne de confession chrétienne).
Dans plus de cinquante ans d’échange de correspondance entre ces trois femmes, l’auteur rend hommage à une Tunisie, terre d’amour et de mixité confessionnelle rattrapée par les affres de la haine et le déchirement ethnique suite à la débâcle arabe lors de la guerre des Six jours en 1967: une guerre ayant provoqué des heurts ciblant la communauté judéo-tunisienne sous nos cieux et l’exode d’une grande partie de nos compatriotes de confession israélite vers la France.
Entre nostalgie et souvenirs
Entre nostalgie et souvenirs, Jacob — avec l’accord de Waffa, la nièce de Jalila — nous offre une immersion dans les béatitudes du Tunis de jadis où les Tunisiens s’aimaient sans revendiquer leurs appartenances religieuses. Dans ces lettres, on découvre le vrai sens du mot coexistence: l’image d’un pays riche par sa diversité culturelle tel un patchwork au mille et une pièces ou une grande mosaïque du musée du Bardo.
Mais qui dit livre de cuisine, dit recettes et astuces. En alternance avec les récits de ces lettres, Jacob stimule notre imaginaire gustatif par des recettes soulignant la richesse du patrimoine culinaire tunisien allant même titiller des saveurs d’autres contrées pour montrer le climat d’ouverture d’un pays comme le nôtre sur d’autres cultures.
Les co-auteurs de « Lettres de Noblesse de la gastronomie tunisienne » ont eu le génie de segmenter son livre, selon les fêtes des trois principales communautés représentant les trois religions monothéistes en Tunisie, en utilisant trois couleurs différentes: le bleu pour les recettes de la communauté judéo-tunisienne, le vert pour l’art culinaire des Tunisiens musulmans et le jaune pour les plaisirs de la table chrétienne. Et chaque fête apporte son lot de gourmandises !
Ainsi dans le premier chapitre, du Rosh Hashana (fête marquant le nouvel an juif) au Jour de l’An (le réveillon du jour de l’an appelé aussi réveillon de la St Sylvestre chez les chrétiens) passant par le Ras el-Âam el-Hejri (« Mouharram », le premier jour du Nouvel An, selon le calendrier musulman), des recettes personnalisées sont au rendez-vous: le Pot-au-feu, la Bkaïla, les Beignets de légumes, le Couscous aux fèves et kadid, la Mloukhiya, les Ahlalem, le Gâteau moka, la Salade de gésier et foie de volaille, le Vol au vent poulet champignon, le Canard aux agrumes, les Cailles aux raisins, la Mousse au chocolat glacée à l’orange et l’Idéal.
« J’en avais sincèrement un peu assez des gens qui en Tunisie disent «mteêkom» (vôtre cuisine) et «mteêna» (notre cuisine). Ce livre tend à montrer que la cuisine tunisienne est une et une seule au de la des religions. », confesse Gilles Jacob Lellouche.
Puis, dans le deuxième chapitre, Jacob nous explique le Yom Kippour, le 9 Av – (tisha bé Av), le Ramadan, l’Achoura, le Carème ainsi que toutes les recettes qui vont avec: la Confiture de coings, le Couscous au poulet de Kippour, le Maâkoud, le Bouillon de poule, la Galantine de poulet, le Stoufadou, le Torchi left, les Olives vertes en saumure, le Poulet en sauce et petits pois, le Couscous de Agueyn, les Ahlalem de Agueyn, le Bouillon de poule, le Coucha au poulet, le Poulet aux olives, la Djeja mahchiya, la Chorbet frick, la Brick à l’oeuf, la Market maleh, le Tajine malsouka, l’Ahsou, La Lahmet etton, la Mhamsa, la Bouza aux noisettes, l’Empanada au thon, le Gratin de poisson aux épinards, le Velouté de courgettes et le Gratin de merlan et de pomme de terre.
De ce fait, de 1967 (la date de la première lettre écrite par Jeanine) jusqu’à 2018 (l’année de la dernière missive rédigée par Hela et annonçant le décès de sa tante Jalila), dans les onze chapitres, Jacob en collaboration avec Lizzie et Ghassen nous fait bercer entre l’intimité de ces trois amies (leurs souvenirs d’enfance) et les recettes de fêtes religieuses (Aïd al-adha, Hannouka, Pâques, Pessa’h, Noël, Aïd al-Fitr, Épiphanie, Ramadan, Mardi-Gras, Shabbat, Pentcôte, Pourim, Chandeleur, etc.) voire même celles liées aux épousailles (Fiançailles, Henné, Mariage, Kossan el Houta & Shebaa brakhout, Khotbet el rjel, Hanna-Outiya-Mariage, et Pendaison de la crémaillère), à la perte de quelqu’un cher (Décès, Décès & deuil et Fark) et aux fêtes diverses tels que : la Bar Mitzva (la fête célébrant l’état de majorité religieuse acquis par les jeunes garçons juifs, à 13 ans-Ndlr) la Naissance, la Circoncision, le Karkouch (la fête de la première dent), le Baptême (un rite ou un sacrement symbolisant la nouvelle vie du croyant chrétien), la Confirmation (un sacrement de l’initiation chrétienne dans l’Église catholique et l’Église orthodoxe) et la Communion (une célébration qui désigne le dernier repas du Christ avec ses disciples, la veille de sa Passion).
En guise de conclusion, dans l’ère des réseaux sociaux, notamment avec la dictature des « influenceurs » sur Instagram, des blogueurs à travers leurs « Vlogs » (Vidéoblogs) et des foodies via leurs pages culinaires sur Facebook, où les photos et les vidéos sont omniprésents, le trio d’auteurs de « Lettres de Noblesse de la gastronomie tunisienne » a osé éditer un livre de cuisine avec zéro recette illustrée dont le but de stimuler l’imaginaire gustatif de leurs lecteurs loin du fard d’un « fake » visuel plus ou moins gouteux. Pari gagné !
Pour les curieux:
L’ouvrage « Lettres de Noblesse de la gastronomie tunisienne » (Éditions Dar El Dhekra, 2019) est disponible dans la librairie de l’« Espace d’art Mille Feuilles » ou via la plateforme Mangeons bien.
- Adresse: 99, avenue Habib Bourguiba Marsa-Plage، La Marsa 2070.
- Tél: (+216) 71-74-42-29
- Facebook: Mille Feuilles (Marsa-Tunisie)
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Il etait grand temps !!
Chapeau cher Chef Gilles
Est ce que cela peut etre Acheter en ligne et envoyer Vers Israel?
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