Crédit photo: Abdel Aziz HALI – © mangeonsbien.com
Qui se souvient encore de « Bay » Daoud Gharbi, le célèbre marchand ambulant qui vendait le fameux « mroueb » (« مروب », en dialecte tunisien: oeuf à la coque) et des oeufs durs à Nabeul? Avec ses 1.58m et ses deux seaux en plastique remplis d’« Ova » (oeufs, en latin), ce petit bonhomme animait les artères de la Cité des Potiers avec un joli sourire dessiné sur son visage et son inoubliable slogan: « A3dham tayeb, a3dham skhoun ! » (« أعظم طايب، أعظم سخون ! », en dialecte tunisien, qui signifie: « oeuf cuit, oeuf chaud ! »).
Né en 1928, à Nabeul, « Bay » Daoud (« père » Daoud, en langage tunisien familier), comme aiment l’appeler les Nabeuliens a commencé à vendre les oeufs pochés en 1973.
Fort de ses 45 printemps, il était à l’époque un simple fonctionnaire au comité culturel de la ville, occupant le modeste poste de concierge de la librairie de l’ancienne église catholique de la ville.
« Je nettoyais les lieux et, à mes heures libres, comme beaucoup de Nabeuliens, j’étais nattier. Mais avec un salaire de 70 DT et une famille à nourrir, composée d’une fille et de trois garçons, j’étais contraint d’arrondir mes fins de mois en ayant un troisième job : la vente des œufs pochés.», raconte le vieil homme de 91 ans.
Bien qu’il soit à la retraite depuis près de 30 ans, « Bay » Daoud Gharbi a poursuivi d’exercer sa passion même durant les premiers mois de la révolution. Ses oeufs, notamment le « mraoueb », avaient un goût unique surtout à la sortie du Hammam (bain maure) de Sidi Maâouia (le célèbre Marabout sis dans l’avenue Habib Thameur) dans le quartier de Lahwech à Nabeul. Une pincée de cumin et de sel… Et une gorgée de soda « Cidre du Golfe de Hammamet »… C’étaient mes madeleines de Proust !
« Durant plus de quarante ans de service, je me réveillais chaque jour à 4h00 du matin. Je remplissais la marmite pour préparer les œufs et, vers 6h00 du matin, ma tournée dans les rues débute. Les samedis et les dimanches, je passais le gros de la journée au Hammam (bain maure) de Sidi Maâouia mais, tout au long de la semaine, je sillonnais les cafés, les tavernes et les bistrots de la ville. Par exemple, en 2011, je vendais l’œuf à 250 millimes, alors qu’il y a vingt ans, je vendais la pièce à 150 millimes. », ajoute-t-il.
Si en hiver, les affaires étaient au top avec une moyenne de deux plateaux d’oeufs écoulés par jour pour des gains qui oscillaient entre 5 et 6 DT (les matinées) et entre 5 et 10 DT (le soir), durant la période estivale, la guigne s’installait.
« En été, les gens consomment de moins en moins d’œufs à cause de la chaleur», fait-il savoir.
Aujourd’hui, « Bay » Daoud vit paisiblement dans le quartier populaire de Sidi Achour et ce malgré des troubles de vision et une santé mi-figue, mi-raisin.
La silhouette de cette icône de la street food restera à jamais gravée dans la mémoire de tous les Nabeulien(e)s. Une douce nostalgie pour certains et un beau souvenir d’enfance pour d’autres… Salut « Bay » Daoud !