Santé | Dans nos assiettes, on mange inconsciemment des « E… » !

Crédit photo: © Shutterstock


S’ils sont généralement tolérés par le corps et autorisés par la loi, les additifs alimentaires [1] (en grande partie des produits chimiques – Ndlr), employés larga manu dans la malbouffe industrielle ainsi que les aliments ultra-transformés pour de multiples raisons et reconnus sur les étiquettes des emballages (boîtes de conserves, pots de yoghourt, bonbons, barres chocolatées, nectars de fruits, crèmes glacées, canettes de soda, etc…)  par le symbole « E », ne sont pas tous inoffensifs pour notre santé. Mais que sait-on vraiment à leur propos ? Les consommateurs tunisiens ont le droit d’en être mieux informés. Focus.


Personne ne peut nier le développement qu’a connu le secteur de l’industrie agro-alimentaire, depuis l’indépendance, comme en témoigne la multiplication des unités de fabrication (usines de pâtes, biscuiteries, chocolateries, aliments surgelés, etc..) et des structures industrielles de haut standing avec des normes internationales, qui ont suscité l’enthousiasme des industriels européens à venir en Tunisie pour effectuer des partenariats et signer des contrats de jumelages.

Ces partenariats ont concerné notamment le lait et dérivés (yaourts, crèmes glacées, lait, fromages, etc.). Mais parallèlement à cette évolution, beaucoup de questions se posent en lisant les étiquettes collées sur les produits agro-alimentaires proposés dans nos hypermarchés, supérettes ou épiceries de quartier.

 

Ces énigmatiques « E »

 

Des codes interpellent notre curiosité commençant par la lettre E en majuscule suivie de trois chiffres et parfois d’une lettre en minuscule ! Que signifient ces codes? Quelles sont leurs origines? Leurs natures? Leurs place dans le système alimentaire? Bref, sont ils dangereux pour notre santé ? La plupart sinon la totalité des consommateurs tunisiens ignorent la signification de ces codes, vu qu’il y a un manque d’informations et de compagnes de sensibilisation à leur sujet, soit de la part des médias, des associations de consommateurs ou de l’industrie agro-alimentaire elle-même.

Pour déchiffrer ces codes et lever le mystère de ces fameux « E » qui peuplent les emballages de nos produits alimentaires, le consommateur tunisien va-t-il avoir recours à Robert Langdon, spécialiste en symbologie, célèbre héros du roman best-seller « Da Vinci code » de Dan Brown? Pour comprendre, nous avons essayé d’enquêter…Plus explicitement, les additifs alimentaires sont des produits ajoutés aux aliments de base dans le but d’en améliorer la conservation, la couleur, le goût, l’aspect, etc.

 

santé
Les additifs alimentaires sont omniprésents dans nos assiettes (Source Photo: Yuka)

 

Quand un additif alimentaire est autorisé au niveau international, il bénéficie d’un code de type Exxx, parfois Exxxx, appelé numéro E. Les additifs sont classés selon leurs catégories et il est utile de savoir que le chiffre qui se trouve juste après la lettre « E » indique la fonction de l’additif alimentaire:

  • Le chiffre « E » suivi du « » indique un colorant (Ex: le dioxyde de Titane, E171)
  • Le chiffre « E » suivi du « », indique un conservateur
  • Le chiffre « E » suivi du « 3 », indique un antioxydant
  • Le chiffre « E » suivi du « 4 », indique un épaississant ou un stabilisant
  • Le chiffre « E » suivi du « 5 », indique un correcteur/régulateur ou un anti-agglomérant
  • Le chiffre « E » suivi du « 6 », indique un exhausteur de goût
  • Le chiffre « E » suivi du « 9 », indique une cire, un gaz de propulsion ou un édulcorant

Cependant, étant donné le développement de la liste et son caractère ouvert, la place occupée par un additif alimentaire dans la liste n’est pas nécessairement indicative de sa fonction.

 

Réglementation des additifs

 

D’après un décret de l’Union européenne (UE), du 18 septembre 1989, le terme « additif alimentaire » désigne:

« toute substance habituellement non consommée comme aliment en soi et habituellement non utilisée comme ingrédient caractéristique dans l’alimentation, possédant ou non une valeur nutritive, et dont l’adjonction intentionnelle aux denrées alimentaires, dans un but technologique au stade de leur fabrication, transformation, préparation, traitement, conditionnement, transport ou entreposage, a pour effet, ou peut raisonnablement être estimée avoir, qu’elle devient elle-même ou que ses dérivés deviennent, directement ou indirectement , un composant alimentaire ».

L’union européenne (UE) étant le premier partenaire économique de la Tunisie, nous devons essayer de recueillir les informations concernant les réglementations européennes, d’autant que plus de 70% des additifs alimentaires utilisés par nos industriels proviennent du vieux Continent.

 

santé
Employés larga manu dans toute l’industrie pour de multiples raisons, les additifs ne sont pas tous inoffensifs. (Source Photo: Notre rêve américain)

 

D’après le décret déjà mentionné, la législation européenne est basée sur le principe que seuls les additifs alimentaires autorisés peuvent être utilisés. En outre, la plupart des additifs alimentaires autorisés peuvent être utilisés qu’en quantités bien définies, selon les denrées alimentaires.

En revanche, si aucune limite n’est prévue pour l’utilisation d’un additif alimentaire, la législation compte sur l’utilisateur qui l’incorpore aux préparations alimentaires en recommandant qu’il en soit fait un usage suffisant pour aboutir à la finalité technologique souhaitée.

Avant leur autorisation, les additifs alimentaires sont évalués par le comité scientifique de l’alimentation humaine, qui rend compte à la consommation européenne. C’est ainsi, que les additifs alimentaires ne peuvent être autorisés que si:

  • il y a une nécessité technologique à les utiliser;
  • il n’induisent pas le consommateur en erreur;
  • et ne présentent aucun risque pour la santé du consommateur.

 

santé
Les produits transformés tels que les Corn Flakes et les Chips sont riches en additifs (Source Photo: Institute of policy studies Sri Lanka)

 

On constate cependant que ces trois points sont contestables. Tout d’abord, la nécessité technologique laisse souvent sa place à l’intérêt commercial et/ou économique. Ensuite, le consommateur n’étant que rarement apte à décoder la signification des différents additifs alimentaires, leur mention dans la liste des ingrédients est insuffisante pour estimer qu’il les consomme en connaissance de cause.

Enfin, depuis plusieurs années, différentes études ont mis en avant les problèmes que peuvent causer certains additifs alimentaires. Par ailleurs, les tests de toxicité sont menés produit par produit, sans tenir compte des associations quasi systématiques dans l’agro-alimentaire.

 

Effets des « E » sur notre santé

 

Officiellement, la plupart des additifs alimentaires ne sont pas reconnus nocifs pour la santé dans des conditions d’utilisation de consommation normales. Cependant, une partie est plus ou moins suspecte, selon certains écrits et publications scientifiques (voir la liste ci-dessous). Or, par soucis d’exactitude, la liste n’est pas exhaustive. Nous ne publions que les additifs dont on a pu vérifier, à au moins quatre sources crédibles différentes (institutions, publications scientifiques, laboratoires indépendants et/ou chercheurs), les caractères suspects attribués [2] (voir le tableau ci-dessous).

 

santé
Le tableau des additifs alimentaires qui sont mauvais pour la santé ou suspects [2]

Ainsi, tous les scientifiques et les médecins dans le monde affirment que les additifs, employés larga manu dans toute l’industrie agro-alimentaire pour de multiples raisons, contiennent souvent des substances chimiques qui, à forte dose provoqueraient allergies [3] ou des réaction d’hypersensibilité [4] (ballonnements, nausées ou vomissements). Afin d’éviter de tels problèmes, une dose journalière admissible (DJA), en dessous de laquelle aucun effet n’est constaté sur l’organisme, a été définie pour certains additifs, sans pour autant lever le problème de l’information des consommateurs.

Bien entendu, le consommateur tunisien est en droit de bénéficier de plus de transparence de la part de l’industrie. Celle-ci doit faire un effort pour mentionner sur les étiquettes de ses produits les informations nécessaires sur les additifs les codes qui désignent, leurs natures, origines (animale ou végétale comme la pectine qu’on trouve dans les confitures). Néanmoins, le consommateur doit faire preuve lui aussi d’une meilleure réactivité et prendre en charge ses propres habitudes alimentaires. Il doit essayer de s’informer par lui-même sur les produits qu’il ingurgite et fait ingurgiter à sa famille.

Additifs autorisés en alimentation biologique

Pour l’alimentation biologique, la législation impose une norme beaucoup plus stricte. Dans cette catégorie, peu d’additifs alimentaires sont autorisés. À noter que chacun de ces éléments ne figure dans la liste des additifs alimentaires que la communauté scientifique peut considérer comme dangereux ou à éviter:

E170, E330, E333, E334, E335, E290, E296, E300, E306, E322, E330, E333, E334, E335, E336, E341, E400, E401, E402, E406, E407, E410, E412, E413, E414, E415, E416, E440, E500, E501, E503, E504, E516, E524, E938, E941, E948.



Additifs ''Halal''/''Haram''/''Casher''

D’après certaines sources, certains additifs alimentaires peuvent être le sujet de discussion du point de vue des religions. Si certaines substances sont d’origine douteuse, d’autres sont déclarées formellement « halal » ou « casher », voire même « haram » (c’est-à-dire proscrits par les lois de l’Islam – Ndlr) comme par exemple:

  • E120 (la cochenille, un colorent rouge: substance obtenue à partir d’insectes)
  • E441 (la gélatine, qui peut être comme émulsifiant, gélifiant ou stabilisant et qui est souvent d’origine porcine, parfois de bétail ou de poisson)
  • E542 (phosphate d’os qui est souvent sous forme d’acides ou d’alcalis).

Enfin, si les additifs sont obligatoirement mentionnés sur l’étiquetage, les industriels ont tendance à occulter un autre drame. On parle ici des auxiliaires technologiques, dont la plupart sont des modificateurs hormonaux: des substances, non consommées comme ingrédients alimentaires en soi, mais utilisées lors du traitement ou de la transformation de matières premières, de denrées alimentaires ou de leurs ingrédients afin de répondre à un objectif technologique déterminé (par exemple pour la filtration ou la décoloration). Or, il peut résulter de l’usage de l’une des seize catégories des auxiliaires technologiques [5] la présence non intentionnelle de résidus techniquement inévitables dans le produit fini, à condition que ces résidus ne présentent pas de risque sanitaire. Toute la question est là.


Sources :

[1] – Organisation des Nations unies pour l’alimentation et l’agriculture (FAO) & Organisation mondiale de la santé (OMS), COMMISSION DU CODEX ALIMENTARIUS: NORME GÉNÉRALE POUR LES ADDITIFS ALIMENTAIRES – CODEX STAN 192-1995 – Adopté en 1995. Révision 1997, 1999, 2001, 2003, 2004, 2005, 2006, 2007, 2008, 2009, 2010, 2011, 2012, 2013, 2014, 2015, 2016, 2017, 2018.

[2] – Les principaux additifs alimentaires et leurs toxicités [archive] Étude réalisée par sante100.com sur les 110 principaux additifs alimentaires (données OpenFactFood & liste des additifs autorisés par l’Europe)

[3] – Bourrier, T. (2006) – Intolérances et allergies aux colorants et additifs. Revue française d’allergologie et d’immunologie clinique, 46(2), 68-79.

[4] – Sauvage C (2010) – Controverse : l’hypersensibilité aux additifs alimentaires est une réalité clinique / Controversy hypersensitivity to food additives is a clinical reality, Revue française d’allergologie, 50(3), 288-291.

[5] – La Direction générale de la Concurrence, de la Consommation et de la Répression des fraudes (DGCCRF: une administration française relevant du ministère de l’Économie), Sous Direction 4, Bureau 4B, CATEGORIES D’AUXILIAIRES TECHNOLOGIQUES (publié le 20/07/2017): Annexe 1 du décret n° 2011-509.


Complément d’enquête | 

Le comité de rédaction de Mangeons bien vous conseille de consulter, également, l’excellent dossier « Additifs alimentaires: vraies et fausses inquiétudes » : un travail réalisé par l’équipe du magazine français 60 millions de consommateurs — Fanny Guibert et Perrine Vennetier, Robert Victoria (ingénieur) —  et publié en janvier 2005.


Ne soyez pas timides ... partagez votre avis!

Votre adresse de messagerie ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *

error: Ce contenu est protégé !!