Par Olga NEDBAEVA – © Shutterstock
A Paris, on fait la queue pour manger une blanquette de veau dans un des « Bouillons » comme il y a 100 ans, les chefs étoilés servent des oeufs mimosa sur des plats d’argent: la cuisine rétro est à la mode.
« Il n’y a que cela de vrai, le pot-au-feu, on le faisait il y a 120 ans, on le fait encore aujourd’hui », lance Yann Hulin, directeur opérationnel du groupe Gérard Joulie qui vient d’inaugurer à Montparnasse un nouveau Bouillon Chartier, frère cadet de celui des Grands Boulevards, né en 1896 et devenu une véritable institution où l’on mange copieusement et pas cher.
Poireau vinaigrette, confit de canard, mousse au chocolat: un repas à moins de 20 euros servi non stop de 11H30 jusqu’à minuit dans un splendide décor authentique Art Nouveau.
Le Bouillon Chartier Montparnasse, avec ses 180 couverts, redevient ce qu’il a été en 1903 avant de changer à maintes reprises de nom et de propriétaires, et devant lequel il faut désormais patienter aux heures de déjeuner et de dîner.
Paris comptait à la fin du XIXe siècle 250 « Bouillons », ces restaurants populaires qui permettaient aux bouchers d’écouler leurs pièces de viandes moins nobles avec des plats en sauces et des os à moelle et qui ont disparu au cours du XXe siècle.
– Cuisine rassurante –
Depuis un an et demi c’est un grand retour : en 2017, le Bouillon Pigalle aux allures de cantine ouvre ses portes et attire les foules dans ce quartier touristique au pied de Montmartre. En 2018, la brasserie Julien est redevenue bouillon pour servir une cuisine plus démocratique.
« Nous avons continué à faire ce qui se faisait, la tendance c’est de nous copier », affirme Yann Hulin qui refuse de faire visiter les cuisines et accuse les nouveaux bouillons de s’inspirer largement de la carte du Chartier.
La clé du succès? « Les gens veulent ça (…) Il y a eu la tendance où on mélangeait un peu tout, toutes les cuisines, tous les goûts à des prix exorbitants. Aujourd’hui on veut manger rapidement, simplement, de bonnes choses et surtout pas cher », souligne le gérant en expliquant que le volume permet de maintenir des prix abordables.
Le chef doublement étoilé (Le Grand Restaurant) Jean-François Piège a repris en 2018 la Poule au Pot, bistrot mythique des Halles dans les locaux d’une ancienne boucherie pour y faire la cuisine « presque familiale ». Six mois plus tard le guide Michelin a récompensé d’une étoile les « grands classiques réhabilités » comme cuisses de grenouille en persillade ou blanquette de veau à l’ancienne servis dans un « décor suranné ».
« Je rêvais depuis longtemps de faire une cuisine bourgeoise, ici je me suis glissé dans la cuisine qui n’était pas la mienne avant. Si on la faisait ailleurs, elle serait déplacée. Il faut qu’il y ait ce contexte, un endroit identitaire », a raconté le chef à l’AFP.
Du beurre, du beurre, du beurre: les portions sont généreuses, les sauces riches, la purée onctueuse, le tout servi dans des plats d’argent chinés pour partager comme si on mangeait en famille. « C’est un moment rassurant dans ce monde anxiogène ».
– Profiteroles, stars d’Instagram –
« L’identité est plus forte que tout, à Paris vous avez envie de manger cette cuisine-là comme on a envie des sushi au Japon ou d’aller dans une trattoria en Italie. Ce sont des endroits très identitaires, ils sont indémodables », souligne-t-il.
Le guide Fooding qui promeut une cuisine jeune et branchée proclame le « rétrofoodisme » comme l’une des principale tendance de 2019 et promet des « lendemains qui sentent le gratin ».
« C’est une cuisine réconfortante qui fait des câlins après des assiettes très épurées et froides », a déclaré à l’AFP Alexandre Cammas directeur du guide. « La blanquette, quand c’est bon, c’est bon ».
« Il y a une course à la nouveauté assez frénétique et absurde (…). C’est intéressant de sortir les choses du grenier et de les remettre au goût du jour ce qui fait que les profiteroles deviennent des stars de l’Instagram », conclut-il.