Par Claudine RENAUD – Crédit photo: © presse Sushi Shop
Mauro Colagreco, récompensé d’une troisième étoile au Michelin 2019 pour Le Mirazur à Menton, est le plus latino des nouveaux chefs français: natif de La Plata en Argentine, petit-fils d’Italiens, venu se former en France comme un passage obligé, il est finalement resté sur la Côte d’Azur.
Sur la scène de la salle Gaveau à Paris, il s’est confondu en remerciements, des trémollos dans la voix, à l’adresse de ses maîtres:
« Monsieur Ducasse, Alain Passard, Bernard (Loiseau) ». « Je suis tellement honoré, c’est tellement d’émotion? Merci! », a-t-il ajouté, tournant son visage vers sa femme: « Merci mon amour ».
Une carrure de rugbyman, un accent chantant, une équipe mêlant toutes les nationalités et lui-même polyglotte, cet italo-argentin secondé par son épouse brésilienne, Julia, qui s’occupe de toute l’administration, a fait du cosmopolitisme une marque de fabrique et de son restaurant une enclave.
Sa cuisine est-elle argentine, italienne ou française? Difficile à dire. S’inspire-t-elle de la mer, de la montagne ou des fruits et légumes de son jardin ? Là encore, le terroir mentonnais, célèbre pour la douceur de son micro-climat, fait merveille.
L’Italie est à trois minutes à pied et nul besoin de choisir: Mauro, 42 ans, assure prendre le meilleur de ses trois pays d’attache.
En bon Argentin, il a son mot à dire sur la viande mais plastronne avec sa recette d’huître aux poires, inonde Instagram avec des photos des multiples variétés de tomates cultivées dans son potager et s’attache à mettre en valeur le fameux citron de Menton.
« On laisse certains citrons dans l’arbre pour qu’ils atteignent presque la taille d’un pamplemousse, développant une chaire blanche sous la peau. Cette texture blanche intéressante, comme une éponge presque sucrée, est servie crue ou en compote », décrit-il.
Arrivé à la cuisine tardivement après une brève incursion dans le monde de la comptabilité et des chiffres dans lequel évoluait son père, Mauro Colagreco a trouvé sa vocation auprès de l’institut Gato Dumas de Buenos Aires, avant de quitter l’Argentine muni de quelques rudiments de français.
« J’ai hésité avec l’Espagne, pour la langue, et à cause du +phénomène+ Ferran Adria (le cuisinier catalan connu mondialement). Mais la France restait la référence pour l’acquisition des bases classiques », explique-t-il volontiers.
– Travailleur compulsif –
Le lycée hôtelier de La Rochelle l’admet, il ne s’y attarde pas. Après un premier stage de quatre mois chez Bernard Loiseau, ce dernier le prendra sous son aile pour peaufiner son apprentissage et il restera dans la prestigieuse maison jusqu’au suicide du chef en 2003.
D’autres maîtres suivront. Auprès de chacun, le jeune homme, travailleur compulsif, ajoute une petite pierre à son édifice: « Passion et raffinement des modes de cuisson » chez Loiseau, « créativité permanente, sublimation du légume » chez Alain Passard à L’Arpège, « perfection et rigueur absolues » chez Alain Ducasse au Plaza Athénée à Paris.
Après une année au Grand Véfour à Paris, il hésitera à nouveau à s’installer en Espagne. Mais la France s’impose encore lorsqu’une connaissance lui fait découvrir le Mirazur, une villa années 30 avec rotonde suspendue entre ciel et mer, à la sortie de Menton.
Faire revivre cette table, fermée depuis trois ans après avoir connu un sort contrasté sous la férule de Jacques Chibois, n’était pas une mince affaire. Mais certains signes ne trompent pas: l’Italie de sa grand-mère qui faisait des raviolis extraordinaires aux épinards, ricotta, cervelle de veau, est à quelques mètres et dans le jardin, des jacarandas flamboyants le renvoient aux images de sa jeunesse argentine.
Au départ, il a en tête trois ou quatre cartes par saison, toutes jetées à la poubelle quand il découvre les parfums entêtants et la nature luxuriante de ce bout de Côte d’Azur. Menthe, bourrache, fleur de roquette, oxalys acidulé, rien ne lui échappe.
Il est proclamé « révélation de l’année » en 2007 par le Gault & Millau six mois après l’ouverture. Les étoiles Michelin suivront, la première en 2007, la seconde en 2012 après une sélection en 2009 parmi les 50 Meilleurs restaurants du monde où son classement ne cessera d’aller croissant.
Outre le Mirazur, Mauro Colagreco est également le chef d’un bistrot chic à Paris, le Grandcoeur, et s’est associé au groupe Barrière dans deux de leurs hôtels, Les Neiges à Courchevel, et Le Majestic à Cannes.
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